Pour son rôle de parrain du Printemps des poètes, Sylvain Tesson a été visé le 18 janvier par une tribune publiée dans Libération, signée par 1200 signataires, des auteurs tels que Nancy Huston, Baptiste Beaulieu ou Chloé Delaume. Ils lui reprochent de représenter "l'extrême droite littéraire" et de véhiculer une "idéologie réactionnaire". Selon eux, son rôle au Printemps des poètes "vient renforcer la banalisation et la normalisation de l'extrême droite dans les sphères politiques, culturelles, et dans l'ensemble de la société". Invité dans 20H30 le dimanche sur France 2, ce 29 janvier, l'auteur du livre Avec les fées, est sorti du silence. "Quel est mon crime et qui sont les juges ?", a-t-il tout d'abord lancé.
L'homme de lettres qui a été victime d'un terrible accident il y a bientôt dix ans a poursuivi : "La langue française offre tout de même un tel vivier, un tel magasin de mots (...) Je pensais qu'ils useraient de cet extraordinaire magasin de vocabulaire à leur disposition. Je veux bien avouer, puisqu'on en est maintenant au passage aux aveux, que j'aime ce qui demeure plutôt que ce qui s'écroule. Je préfère admirer plutôt que de me révolter. Je veux bien être un rétrograde, même un ringard, un rétif. (...) On peut dire que je suis réfractaire, un cheval de labour, que je suis une vieille locomotive plutôt qu'une Formule 1. Mais ils ont trouvé un mot au conformisme absolu qui clôt le débat c'est : extrême-droite."
Et de conclure : "La poésie et la littérature - enfin c'est ce que je croyais moi, pauvre naïf - c'est précisément l'endroit (...) où tout est permis, (...) où les choses se contredisent, se rencontrent, se télescopent, s'opposent... Cela s'appelle la liberté." Heureux d'être le parrain du Printemps des poètes malgré tout, Sylvain Tesson souhaite éveiller les consciences à la beauté de la poésie, lui qui a été ébloui par Victor Hugo dans son enfance. "Si je peux rendre un peu de la part de cette chance que j'ai eue, aller dans des écoles... Il ne s'agit pas de montrer des poèmes à moi, je n'ai pas cette prétention-là", explique-t-il.
Rappelons que les signataires de la tribune ont mis en avant plusieurs préfaces de Sylvain Tesson dans des romans de Jean Raspail, écrivain admiré par l'extrême droite pour son ouvrage controversé Le Camp des saints, sorti en 1973. La polémique a provoqué la démission de Sophie Nauleau, la directrice artistique de la manifestation à l'origine du choix de Sylvain Tesson comme parrain. "Le choix, que j'assume pleinement, de Sylvain Tesson pour féerique parrain de La Grâce [thème de l'édition 2024, du 9 au 25 mars, ndlr], a déclenché une cabale effarante, consternante pour ne pas dire monstrueuse. Dans ce contexte, aucune parole n'étant audible, j'ai préféré réserver la mienne au silence", a-t-elle fait savoir dans un communiqué.
La ministre de la Culture Rachida Dati, interrogée lors d'une visite du Festival international de la bande dessinée d'Angoulême, a pour sa part déclaré : "J'ai été étonnée que des poètes excluent d'autres poètes. C'est ce qui m'a d'ailleurs frappée. Je trouve que la culture, c'est le lieu où, normalement, il n'y a pas de sectarisme. C'est curieux, du sectarisme, chez des gens qui disent eux-mêmes qu'ils sont pour l'ouverture."