"Dès que vous rapportez de l'argent, vous pouvez demander des choses." Cette petite phrase, Alexandre Astier, qui fête ce dimanche 16 juin 2024 ses 50 ans, la lâchait innocemment en 2015 auprès du site internet VL. À l'époque, on comprenait vaguement ce qu'elle pouvait signifier mais pour le créateur de Kaamelott, elle avait sans doute un sens très précis. Cette année-là, le papa de sept enfants remportait en effet une bataille aussi sacrée que le Graal.
Deux ans auparavant, dans un message posté puis vite effacé sur Twitter -devenu X-, Alexandre Astier avait laissé exploser sa colère,comme il l'a refait plus récemment, quant à son impossibilité de pouvoir exploiter la marque Kaamelott selon ses désirs. Un en particulier, trottait dans sa tête depuis les débuts de la série en 2005 : faire un film qui devait débuter là où la série s'arrêterait.
Problème, il était contractuellement coincé par la société CALT, productrice de Caméra Café, et détentrice des droits de Kaamelott à qui il avait proposé le concept à ses débuts. Or, dix ans après son lancement et bien qu'il ait eu les coudées franches pour modifier les formats ou allonger la durée des épisodes, il n'avait pas les mains libres, ainsi qu'il l'avait exprimé, sans prendre de gants...
"Les contrats actuels m'obligent à travailler dans un contexte ridicule, avait-il écrit sur son compte Twitter, la situation a tellement changé depuis 2004 qu'il me semble impensable de me lancer dans dix ans de production (une trilogie cinéma et un spin-off Résistance) dans de telles conditions, tenu de simuler une collaboration avec certains dont l'incompétence éditoriale en ce qui concerne Kaamelott frôle le cynisme absolu et dont l'ahurissante cupidité est l'ultime solution de sortie. C'est la gerbe, croyez-moi. C'est la gerbe mais c'est comme ça. Je me bats et me battrai bec et ongles pour avoir le droit de faire Kaamelott dans des conditions qui me conviennent (c'est quand même bibi qui bosse le plus sur cette affaire, il faut pas déconner), honnêtes, équitables et où les moyens ne sont utilisés qu'à faire un beau film, pas à raquer des péages."
Ce coup de gueule a-t-il mobilisé les fans, convaincu la société CALT, à moins que ce ne soient des tractations de l'ombre qui aient fait avancer les choses ? Le tout est que le 2 novembre 2015, celui qui partage désormais sa vie avec une comédienne, annonçait sa victoire au micro de France Inter : "Je me retrouve aujourd'hui avec Kaamelott dans la situation que j'avais désirée (...) J'ai surtout recommencé à travailler, recommencé à écrire, Plutôt dans le cinéma."
Entre-temps, des livres, des BD ou encore des DVD sur lesquels il a nécessairement perçu des droits, sont sortis depuis l'arrêt de la série en 2009. Mais il allait enfin pouvoir mettre à exécution son grand oeuvre : le film.
Alors que les fans attendent désespérément des nouvelles de la sortie du deuxième volet, il est déjà possible d'établir un constat : Kaamelott est un phénomène. Le seul fait qu'un Rémois de 34 ans, Arnaud Klein soit allé voir Kaamelott : Premier Volet, 204 fois entre juillet et septembre 2001 permet d'en saisir l'ampleur. Ce fan n'y est pas allé tout seul... En 2021, pourtant en pleine crise du Covid, le long-métrage a attiré près de 2,7 millions de spectateurs dans les salles obscures derrière Spider-Man : No way home, ou Mourir peut attendre, le dernier James Bond, autant dire des concurrents autrement plus bankable a priori que le réalisateur lyonnais, qu'un autre fan avait aussi beaucoup ému.
Mais c'est là que réside le miracle Astier. Depuis sa création en 2002 via un premier court-métrage intitulé Dies Irae, (à voir ou à revoir ci-dessous) qui en contenait déjà tout le concept, Kaamelott n'en finit pas de rencontrer le succès. Et l'homme qui en est à l'origine en retire logiquement tous les bénéfices. Des bénéfices aussi nombreux que les casquettes qu'il porte...
Acteur, réalisateur, producteur, scénariste, metteur en scène, compositeur, musicien : l'artiste est un touche à tout, un infatigable créateur qui dès son plus jeune âge a montré des talents tant dans la musique, et notamment le jazz que la comédie, lorsqu'il se produisait dans des pièces de théâtre. Il n'a jamais cessé depuis de se diversifier. Sa dernière trouvaille : co-écrire le scénario du deuxième volet de Kaamelott grâce à l'Intelligence Artificielle ! Mais si ce deuxième opus tarde à sortir, ce n'est certainement pas une question de moyen tant le premier a été lucratif.
D'après les chiffres fournis par cinéfinances info, avant même de sortir en salle, Kaamelott : Premier Volet avait fait gagner à Alexandre Astier un petit pactole ainsi réparti : 527 000 euros pour le scénario, 350 000 euros pour l'adaptation, et 242 000 euros, pour le préparer, le tourner et finaliser sa production.
Mais ce n'est rien comparé aux bénéfices générés par le succès du film, dont l'équipe a récemment été endeuillée. D'après le site spécialisé jpbox-office.com, l'oeuvre, dont le budget avoisinait les 15 millions d'euros a généré près de 22 millions d'euros de recettes, soit une rentabilité du film dans le monde de 146% ! La même année, le film Les Tuche 4, qui avait pourtant conquis 2,4 millions de spectateurs n'obtenait une rentabilité monde que de 59%.
"C'est un résultat exceptionnel, résume pour Purepeople un producteur de film habitué à jongler avec ces données. Et comme en plus, Astier cumule toutes les casquettes, c'est jackpot pour lui." Preuve de ce succès financier, la société qui produit le film, Regular Production, dont Alexandre Astier détient 60% des parts, a vu ses chiffres s'affoler en 2022, année suivant la sortie du film. Créée en 2010, cette entreprise qui réalisait un chiffre d'affaires de 277 000 euros en 2018 pour un bénéfice net de 3387 euros cette année-là a surperformé en 2022 : 13,5 millions de chiffre d'affaires pour 1,6 million de résultats net !
Si l'on ajoute à ces gains ceux générés par les innombrables produits dérivés, qu'il s'agisse de puzzle, de jeux de tarots ou de concerts symphoniques, comme cette tournée Kaamelott mise en place l'an passé qui réunissait plus de 100 musiciens sur une scène, en synchronisation avec le film, ou les incessantes rediffusion, il y a là de quoi largement prendre le temps de travailler sur le deuxième opus, et mener la vie de château !
Et justement, un château, Alexandre Astier, dont l'histoire familiale est particulièrement singulière, en possède un. Au début des années 2010, le créateur de génie a acquis en Ardèche un pied-à-terre dans le village médiéval de Saint-Vincent-de-Barrès, près de Privas. "C'est un château, même s'il est modeste. Je me suis fait à cet endroit, j'y ai inventé pas mal de trucs", s'enthousiasmait Alexandre Astier qui précisait pouvoir y stocker aussi tous ses instruments, lui qui compose lui-même les musiques de ces films. On n'attend plus désormais qu'il achève son travail et descende de son donjon pour nous offrir le deuxième volet des aventures de ses célèbres chevaliers !