Série noire pour les annales du rock en images... Après Jim Marshall et Robert Whitaker, respectivement décédés en mars 2010 et septembre 2011, c'est au tour de Barry Feinstein de quitter la scène : le géant de la photographie de la scène rock américaine des années 1960 est mort à l'âge de 80 ans jeudi matin à l'hôpital des suites d'une longue maladie, a précisé à l'AFP sa troisième épouse, Judith Jamieson. Qui ajoute un touchant commentaire : "C'était un vieux grincheux, mais un grincheux attachant." Son agent Dave Brolan a indiqué qu'il souffrait de plusieurs pathologies et avait été hospitalisé avec une infection. Il laisse sa dernière épouse Judith Jamieson, deux enfants nés de ses précédentes unions, trois beaux-enfants et autant de petits-enfants.
"Barry Feinstein a réalisé nombre des images les plus captivantes de l'industrie du spectacle, lit-on en exergue de son site officiel. Ses travaux sont apparus dans Life, Look, Time, Esquire, Newsweek et bien des magazines européens. Feinstein était le photographe exclusif de Bob Dylan lors de sa tournée européenne en 1966 et lors de la tournée Dylan/The Band en 1974. Il a photographiée plus de 500 pochettes d'albums, dont Janis Joplin, George Harrison, Miles Davis et beaucoup, beaucoup d'autres. Il a également photographié de nombreuses personnalités d'Hollywood ou de la sphère politique. Feinstein s'est vu décerner plus de 30 prix américains et internationaux en matière de direction artistique et de photo-journalisme." Un sacré pédigrée résumé en quelques lignes, qui ne détaillent pas combien la pochette de l'album The Times They Are a-Changing pour Bob Dylan marqua l'histoire de la musique, ni qu'il "immortalisa" Janis Joplin pour l'album Pearl un jour avant la mort de la reine du rock, et qu'il entoura l'ex-Beatle George Harrison de nains de jardin pour All Things Must Pass, son premier album solo. Une des images cultes saisies sur la tournée de légende de Dylan en 1966, celle du pape de la folk sur un quai en Australie, fut utilisée en 2005 par Martin Scorsese en illustration de son "rock trip" No Direction Home. Il avait également shooté la première pochette de l'album Beggars Banquet des Stones, remplacée par le distributeur car jugée trop "explicite" (mais réhabilitée plus tard), en 1968, année où il réalisa le docu culte sur le flower power et la scène hippie de San Francisco You are what you eat.
Réputé pour son usage exclusif du noir et blanc et d'appareils de la marque Nikon, Feinstein photographia des stars telles que Marlon Brando, Judy Garland, Barbra Streisand, Richard Nixon, John Kennedy, Frank Sinatra ou Steve McQueen, au volant de sa voiture de course. C'est d'ailleurs sur cette scène hollywoodienne que débuta dans les années 1950 sa carrière de photographe, qui connut un net essor avec des clichés comme celui d'une Marlene Dietrich effondrée aux obsèques de Gary Cooper, ou d'un Marlon Brando lors d'une marche pour les droits civiques houleuse. La suite, son apport historique de chroniqueur visuel de l'histoire du rock, il la doit à une rencontre avec Bob Dylan au début des années 1960, via un ami commun, Albert Grossman, manager du chanteur, qui présenta également à Feinstein celle qui fut sa deuxième femme, Mary Travers du trio folk Peter, Paul and Mary. Et avec Dylan, les années qui suivirent furent "une belle aventure", selon ses mots.
Barry Feinstein, qui était un parfait autodidacte, avait publié en 2008 un ouvrage contenant 23 clichés de ses débuts à Hollywood, accompagnés de poèmes en prose signés Bob Dylan : Hollywood Foto-Rhetoric: The Lost Manuscript. Un joli testament.