Le 26 mai 1993, à Munich, Basile Boli est entré à jamais dans l’histoire du football français. Ce soir-là, quelques minutes après s’être blessé au genou et avoir demandé à quitter le terrain, ce qu’avait refusé Bernard Tapie, son président, le défenseur marseillais allait d’une tête inoubliable donner la victoire à son équipe face au Milan AC en finale de la Ligue des Champions. C’est la première fois qu’un club français décrochait ce trophée et l’exploit n’a jamais été réitéré depuis. La cité phocéenne tenait son héros avec ce joueur né 26 ans plus tôt à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Un héros et un slogan : «à jamais les premiers…»
Alors qu’il fête ce 2 janvier son 58ème anniversaire, Marseille n’a pas oublié Basile Boli. Le 9 mai dernier, du côté de Notre Dame de la Garde, surplombant le vieux port, le retraité des terrains avait été le premier d'une longue série de relayeurs à porter la flamme olympique après son débarquement en France depuis le Belem. Le pas un peu alourdi par le poids des années, sourire aux lèvres, le joueur avait lancé le parcours de la torche, rappelant à tous le rôle primordial qui avait été le sien : un footballeur de légende.
Si dans les Bouches-du-Rhône, cette dernière est intacte, elle vient d’être sacrément écornée dans une autre région de France…
Le camp de Noyon, dans l’Oise, a durant des décennies servi de caserne à des militaires français. Or, depuis 2011, ce gigantesque espace de 47 hectares a été cédé à la communauté de communes. Si dès 2015, un campus économique accueillant des entreprises y est implanté, rapidement, il a été envisagé d’y faire naître un autre projet.
En 2018, Basile Boli, qui a surmonté jeune un terrible handicap, montre à la France entière qu’il n’a pas que des talents de footballeur. Les téléspectateurs le découvrent en effet sous un autre jour dans l’émission Danse avec les Stars dans laquelle il est associé à Katrina Patchett. Mais peu auparavant, une autre partie a débuté à Noyon où le joueur, fils de militaire qui a grandi de caserne en caserne, vient d’affirmer vouloir lancer sur l’ancien site une école de football : «La Basile Boli Academy».
Le 3 février 2023, sur le plateau des 12 coups de midi, sur TF1, une candidate doit répondre à la question suivante : «Que peut-on dire de Basile Boli ?» Parmi les propositions qui lui sont faites, elle semble n’en connaître aucune et répond au hasard : «Il créa la Basile Boli Academy.» Jean-Luc Reichmann, le présentateur du jeu, invite alors l’intéressé à répondre lui-même sur le plateau. Boli arrive au son de Jump, de Van Halen, comme s’il faisait son entrée sur le Vélodrome, et affirme : «C'est une bonne réponse», avant de détailler : «C'est une école de sport-études dans laquelle on entre à partir de 14 ans. On accompagne les gamins jusqu'au bac. Quand ils sont doués, ils partent au foot, sinon ils continuent dans l'économie du sport. L'école se situe à Noyon, dans l'Oise.»
L’assurance du ton de celui qui entre temps, s'est remarié avec son ex, semble ne laisser aucune place au doute : cette école existe bel et bien, et fonctionne. En réalité, il n’en est rien !
Au mois de mai dernier, Pascal Dollé, vice-président de la communauté de communes du Pays Noyonnais, accueille des équipes de France 3. Il se désole : «Le bâtiment qui est juste devant nous, c'était celui pour les vestiaires et le bien-être des joueurs. Et ici, on devait retrouver quatre terrains de foot qui devaient être réalisés par Boli.»
Nos confrères rappellent qu’en juin 2022, un compromis de vente avait été signé entre Basile Boli et la collectivité territoriale. Le projet comprenait la construction d’un terrain synthétique, des vestiaires, un espace balnéothérapie, un service de restauration collective… Rien ne verra le jour. «Basile Boli n’a jamais apporté les fonds, explique Pascal Dollé à Oise Hebdo en mai 2024. Nous n’avons pas vu un centime après la signature de notre promesse de vente, peut-être qu’il n’a pas réussi à réunir l’argent comme c’est parfois le lot dans les projets de ce type.»
L’élu précisait auprès de France 3 : «On lui a posé un ultimatum en juin 2023 pour savoir s'il voulait vraiment réaliser le projet, poursuit l'élu. Ça faisait 5 ans que ça durait. L'ultimatum prenait fin en octobre. On a eu une lettre début octobre comme quoi il voulait finaliser le dossier et depuis, plus rien. Donc nous, on arrête là. Les notaires font le nécessaire pour clôturer le dossier. Personne ne réclame des indemnités et puis voilà…»
Après 7 ans de réflexions, d’espoirs et de tergiversations, la BBA, ainsi que l’on surnommait déjà la Basile Boli Academy, voit son sort scellé. Mais l’affaire a laissé des traces.
"Faire des promesses comme ça en l'air, c'est pas bien."
Économiques d’abord. Quelques semaines après ces reportages dans la presse, Le Canard Enchaîné publie un article expliquant que la clôture du projet laisse une ardoise de 263 000 € à un cabinet d'architecture parisien. Sollicité pour éponger la dette, le joueur ne répondrait ni aux assignations de justice, ni aux courriers recommandés, et pas plus au téléphone. «Quand on l’a vu porter la flamme à Marseille, là vraiment, c’était trop, s’indigne un représentant du cabinet. Parce qu'en plus de notre boulot, on a fait bosser des boîtes d'ingénierie, de structure. On avait confiance…»
Une confiance brisée aussi avec tous les fans de ballons ronds qui pensaient voir cette belle structure enrichir le patrimoine sportivo-éducatif de leur commune. Invités à réagir par France 3, des parents d’enfants licenciés au club de Roye Noyon, à l’image de cette maman, clament leur indignation : «Faire des promesses comme ça en l'air, c'est pas bien. En plus à des enfants qui, je pense, avaient le rêve d'entrer dans cette école, surtout avec Basile Boli. C'est dommage. Il ne faut pas parler quand on n'assume pas les conséquences derrière…»
Interpellé il y a quelques jours par le magazine So Foot qui consacre une longue enquête à ce fiasco, l'ancien coéquipier de Didier Deschamps a répondu à nos confrères : «Le projet est en suspens mais on a prévu de le faire dans le sud finalement.» Retourné acrobatique ? Coup de tête ? Ou simple façon de botter le ballon en touche ? L'avenir le dira.