Affaire du Crédit lyonnais, épisode 403. Mis en examen depuis 2013 pour "escroquerie en bande organisée" dans ce sulfureux dossier, Bernard Tapie l'est de nouveau pour "recel de détournement de fonds publics", comme vient de le décider la justice selon iTÉLÉ. Une décision prise ce matin, mercredi 6 mai, à la suite de l'audition de l'homme d'affaires devant le pôle financier de Paris.
En février, l'affaire du Crédit lyonnais avait connu un nouveau rebondissement. La cour d'appel de Paris avait en effet annulé l'arbitrage controversé qui avait accordé 403 millions d'euros à Bernard Tapie en 2008 après la vente d'Adidas en 1992. Dans son arrêt, elle déclarait "recevable" le recours en révision du CDR, l'organisme chargé de solder l'héritage du Crédit lyonnais, et annonçait reprendre le dossier, jugé lors d'un nouveau procès attendu le 29 septembre prochain.
Des pensées suicidaires et un "simulacre"
Bernard Tapie va-t-il devoir rendre cet argent ? La menace plane. Et ce feuilleton politico-judiciaire continue d'empoisonner sa vie et celle de ses proches. "Évidemment, j'ai pensé au suicide, je vois en train de subir une détresse incroyable, parce que c'est d'un seul coup la fin de ta vie, avait dit le patron de La Provence sur Europe 1 en février. D'un seul coup on te dit : 'Tu as 72 ans, tu as tout réussi, mais on va quand même te foutre dehors, parce que la cour d'appel a décidé ça'. (...) Bien sûr, j'y ai réfléchi. Tous les gens qui sont dans mon cas y réfléchissent. Ce n'est pas exceptionnel."
Rendu par trois personnalités choisies par les parties, cet arbitrage est au coeur d'une enquête pénale dans laquelle six personnes, dont Bernard Tapie, son avocat, Maurice Lantourne, et l'un des juges, Pierre Estoup, étaient mis en examen pour escroquerie en bande organisée. Les juges financiers soupçonnent que la sentence, qui accordait 403 millions d'euros - dont les intérêts, et 45 millions pour le préjudice moral - à Bernard Tapie, a été le fruit d'un "simulacre d'arbitrage" visant à le favoriser. Les supposées relations anciennes et dissimulées entre Bernard Tapie, Maurice Lantourne et Pierre Estoup sont notamment dans le viseur de la justice.
Le rôle de l'État en question
Les juges enquêtent aussi sur le rôle de l'État. Ce dossier sensible était en effet suivi de près par l'Élysée. Bernard Tapie se serait ainsi rendu plusieurs fois au palais présidentiel occupé à l'époque par Nicolas Sarkozy. Alors directeur de cabinet à Bercy, le patron d'Orange, Stéphane Richard, a aussi été mis en examen ainsi que l'actuelle directrice générale du FMI, alors ministre de l'Économie, Christine Lagarde, qui s'est vu reprocher des négligences devant la Cour de justice de la République (CJR). Elle a toutefois affirmé ne pas avoir personnellement suivi le dossier : "J'ai considéré qu'à partir du moment où j'avais pris la décision de ne pas m'opposer à l'arbitrage, il appartenait à M. Richard d'assurer le suivi du dossier." C'est son directeur de cabinet qui a en effet assisté aux réunions décisives concernant l'arbitrage.
Les 403 millions d'euros venaient solder le litige entre Bernard Tapie et la banque sur les opérations de vente d'Adidas en 1993 et 1994, dans lesquelles l'homme d'affaires s'estime lésé. Avant l'arbitrage, la cour d'appel de Paris avait attribué en 2005 à Bernard Tapie et ses liquidateurs 145 millions d'euros de dommages et intérêts. Une décision annulée par la Cour de cassation en 2006.