Enième rebondissement dans l'affaire du Crédit Lyonnais. Aujourd'hui, mardi 17 février, la cour d'appel de Paris a annulé l'arbitrage controversé qui avait accordé 403 millions d'euros à Bernard Tapie en 2008, selon une source judiciaire citée par l'AFP. Mis en examen pour "escroquerie en bande organisée" dans ce dossier, l'homme d'affaires et patron de La Provence n'a toutefois pas - encore ? - à rendre cet argent...
Bernard Tapie devrait traîner cette affaire du Crédit Lyonnais encore un moment. Car la cour a également décidé de reprendre ce dossier sulfureux, qui sera jugé lors d'un nouveau procès le 29 septembre prochain. Dans son arrêt, elle déclare "recevable" le recours en révision du CDR, l'organisme chargé de solder l'héritage du Crédit lyonnais, et dit que cette révision relève de son "pouvoir juridictionnel", selon la source judiciaire de l'AFP. La cour ordonne également "la rétractation" - autrement dit l'annulation - de la sentence arbitrale rendue le 7 juillet 2008.
Cela signifie-t-il que Bernard Tapie doit sortir le carnet de chèques ? Pas encore. "L'arrêt ne décide en aucune manière que M. Tapie doit rendre les 403 millions d'euros", a déclaré Me Jean-Georges Betto, l'un des avocats de l'ancien ministre de la Ville. Mais la menace plane clairement sur Bernard Tapie, qui souhaitait éviter cette décision. "Bernard Tapie va devoir restituer les sommes qu'il a perçues en vertu de décisions qui ont été retirées de l'ordonnancement juridique", s'est réjoui l'avocat de l'Etablissement public de financement et de restructuration (EPFR), l'organe de tutelle du CDR, Me Jean-Yves Garaud. Encore faut-il que l'ex-boss de l'OM ait les ressources nécessaires, lui qui se dit asphyxié financièrement...
Rendu par trois personnalités choisies par les parties, cet arbitrage est au coeur d'une enquête pénale dans laquelle six personnes, dont Bernard Tapie, son avocat, Maurice Lantourne et l'un des juges, Pierre Estoup, sont mis en examen pour escroquerie en bande organisée. Les juges financiers soupçonnent que la sentence, qui accordait 403 millions d'euros - dont les intérêts, et 45 millions pour le préjudice moral - à Bernard Tapie, a été le fruit d'un "simulacre d'arbitrage" visant à le favoriser. Les supposées relations anciennes et dissimulées entre Bernard Tapie, Maurice Lantourne et Pierre Estoup sont notamment dans le viseur de la justice.
Les 403 millions d'euros venaient solder le litige entre Bernard Tapie et la banque sur les opérations de vente d'Adidas en 1993 et 1994, dans lesquelles l'homme d'affaires s'estime lésé. Avant l'arbitrage, la cour d'appel de Paris avait attribué en 2005 à Bernard Tapie et ses liquidateurs 145 millions d'euros de dommages et intérêts. Une décision annulée par la Cour de cassation en 2006.
Les juges enquêtent aussi sur le rôle de l'Etat. Ce dossier sensible était en effet suivi de près par l'Elysée. Bernard Tapie se serait ainsi rendu plusieurs fois au palais présidentiel occupé à l'époque par Nicolas Sarkozy. Alors directeur de cabinet à Bercy, le patron d'Orange, Stéphane Richard, a aussi été mis en examen comme l'actuelle directrice générale du FMI, alors ministre de l'Économie, Christine Lagarde, qui se voit reprocher des négligences devant la Cour de justice de la République (CJR).