Le scandale politico-judiciaire qui "empoisonne" la vie de Bernard Tapie depuis plus de vingt ans a une nouvelle fois resurgi... Le sulfureux businessman, qui avait obtenu la coquette somme de 403 millions d'euros en 2008 dans l'arbitrage du conflit qui l'opposait au Crédit Lyonnais, vient de se voir mis en examen après 96 heures de garde à vue pour "escroquerie en bande organisée" et placé sous contrôle judiciaire. Et l'ancien ministre de la Ville (1992-1993) n'est pas au bout de ses peines puisqu'il vient de voir les juges ordonner la mise sous séquestre d'une grande partie de ses biens...
Soupçonné par la justice de faire partie des "organisateurs" d'un arbitrage truqué, Bernard Tapie est dans la tourmente. En pleine enquête pour éclaircir les conditions dans lesquelles l'ancien boss de l'OM a obtenu un dédommagement aussi favorable et une somme aussi faramineuse, les juges ont demandé à saisir une partie de ses biens avec l'accord du parquet de Paris, une démarche qui vise à garantir la disponibilité de fonds pour une éventuelle indemnisation des parties civiles et éviter à ce que Bernard Tapie n'organise son insolvabilité. L'occasion de s'apercevoir que l'homme d'affaires a bien rebondi, en partie grâce aux 403 millions d'euros reçus au titre de préjudice moral dans l'arbitrage du litige l'opposant au Crédit Lyonnais...
Les juges ont donc pris quatre ordonnances de saisie conservatoire, portant notamment sur deux assurances-vie souscrites en novembre 2008, quelques mois après la fin du litige l'opposant au Crédit Lyonnais, et dont la valeur est estimée à 20,7 millions d'euros, sur les parts sociales de l'homme d'affaires dans son hôtel particulier de la rue des Saint-Pères à Paris (69,3 millions d'euros), ainsi que sur sa villa de Saint-Tropez, "La Mandala", que Bernard Tapie avait achetée 48 millions d'euros en 2011. Un achat qu'il avait pourtant démenti haut et fort au micro de Bruce Toussaint sur Europe 1 en septembre dernier...
On apprend également que Bernard Tapie et sa femme Dominique, son plus fidèle soutien, disposent de quinze comptes bancaires en France, dont six à Monaco qui ont été saisis. Un contrat d'assurance-vie de 180 millions d'euros détenu par la holding Groupe Bernard Tapie, domiciliée à Bruxelles, a aussi été bloqué ainsi que les parts de l'homme d'affaires sur la SA Groupe Hersant Media, au travers de laquelle il contrôle les journaux La Provence et Nice-Matin, qu'il a rachetée.
Un inventaire des biens a également été fait. Selon LeMonde.fr, on découvre ainsi que grâce à l'arbitrage, Dominique Tapie a offert à leur fils Stéphane un bien immobilier de 320m2 à Asnières-sur-Seine, payé 1 335 000 euros, le 20 octobre 2008, et qu'un autre appartement a été acheté à Marseille, le 5 mars 2009, pour 270 000 euros. L'épouse de Bernard Tapie a aussi fait l'achat d'un appartement à Neuilly-sur-Seine avec sauna et jardin privé de 213 m2 pour la jolie somme de 2 650 000 euros, le 29 octobre 2010. Un superbe appartement occupé par sa fille, Sophie Tapie, candidate lors de la saison 2 de The Voice sur TF1. En 2012, le 1er octobre, elle achète aussi un hôtel particulier, toujours à Neuilly-sur-Seine, pour 15 200 000 euros.
Quant à Bernard Tapie, il est le propriétaire d'une résidence secondaire à Combs-la-Ville (en Seine-et-Marne), la villa de Saint-Tropez, du somptueux yacht Reborn, payé 40 millions d'euros et qu'il loue désormais à 500 000 euros la semaine, et se déplace en Range Rover, en Smart, ou avec son avion privé, que l'ex-ministre de 70 ans a décidé de revendre pour 15 millions d'euros, toujours selon LeMonde.fr.
Face à cette saisie, Bernard Tapie vient de débuter une véritable riposte médiatique, d'abord au JT de 20h sur France 2. Hier, mercredi 10 juillet, jour de la saisie de ses biens, celui qui est également comédien est intervenu sur les plateaux d'iTélé, Europe 1, et au JT de 20h de TF1. L'occasion de s'indigner et de dénoncer une nouvelle fois un "scandale" contre lequel il compte se battre et qu'il va contester devant la cour d'appel de Paris. "On saisit d'avance pour plus que ce que j'ai touché (...) Je ne savais pas que je vivais dans un pays où on peut exécuter des gens avant d'avoir été condamnés", s'est-il indigné, expliquant à Gilles Bouleau sur TF1 qu'il ne pouvait pas à l'heure actuelle faire "un chèque de 10 euros".
Bernard Tapie a également fait part de son inquiétude pour les salariés de son groupe de presse Hersant Médias. "Lorsque l'affaire a besoin d'argent frais, c'est mon argent personnel qui va dedans", a-t-il expliqué, craignant de voir "3 000 personnes au chômage". "En réalité, la mise en examen pour escroquerie en bande organisée a été faite uniquement pour pouvoir procéder à ce qu'ils font aujourd'hui, c'est-à-dire la saisie de mes biens. On voit bien qu'ils se sont réunis, les juges, le parquet : 'Alors qu'est-ce qu'on fait pour lui piquer ses biens ?'", a-t-il ajouté, brandissant le spectre du complot et laissant entendre que le gouvernement serait responsable de ses ennuis. Il n'a pas tort sur ce dernier point, car Pierre Moscovici a fait "une boulette" que Tapie n'a pas manqué de relever durant ses différents interviews télévisés d'hier : "Alors qu'il est ministre, Moscovici a suggéré aux magistrats des mesures conservatoires pour garantir la réparation d'éventuels préjudices." Moscovici s'insurge contre cette attaque en déclarant depuis hier soir qu'il a agi dans son rôle "pour défendre l'intérêt public"... C'est pourtant un peu le mélange des genres entre politique et justice, tout de même !
L'affaire prend son origine en 1992, lorsque Bernard Tapie se voit proposer le poste de Ministre de la Ville par François Mitterrand. Celui qui est alors le boss d'Adidas est contraint de vendre ses parts dans l'entreprise pour éviter tout conflit d'intérêt et confie la transaction au Crédit Lyonnais, qui lui avait prêté 350 millions d'euros pour racheter la firme allemande deux ans plus tôt. Mais la banque décide d'acheter l'équipementier au prix fixé par Bernard Tapie avant de revendre ses parts à Robert-Louis Dreyfus pour 701 millions d'euros, soit plus du double. S'estimant victime d'une arnaque, Bernard Tapie attaque la banque en justice en 1995 et obtient gain de cause au terme d'un feuilleton judiciaire de 10 ans avant que la Cour d'appel n'annule finalement son jugement.
Pour enfin en terminer avec cette affaire, Christine Lagarde alors ministre de l'Economie du gouvernement de Nicolas Sarkozy décide d'avoir recours à un arbitrage privé en 2007. Un arbitrage qui permettra à Bernard Tapie d'empocher 403 millions d'euros - dont une partie lui a servi aussi à éponger ses dettes et payer ses créances - et sur lequel pèse aujourd'hui des soupçons d'"escroquerie en bande organisée". A l'heure actuelle, quatre personnes sont également mises en examen : son avocat Maurice Lantourne, un des trois arbitres Pierre Estoup, l'ancien président du Consortium de réalisation (CDR), chargé à l'époque de gérer les dettes du Crédit Lyonnais en faillite, Jean-François Rocchi, ainsi que Stéphane Richard, président d'Orange et ex-directeur du cabinet de Christine Lagarde, entendue comme "témoin assisté" par la justice, évitant à la directrice du Fonds Monétaire International une mise en examen.