Il faut avoir de la voix pour faire passer les consignes depuis le bord du terrain ; il faut savoir trouver les mots pour gérer, collectivement mais aussi et surtout individuellement, une escouade de nénettes athlétiques dans la force de l'âge et en train d'écrire une page de l'histoire du foot féminin en France. Bruno Bini a les deux : il en fait même... des chansons !
C'est ce qu'on retiendra de la surprenante rubrique "Coup de fil piège à..." de Bernard Dolet du quotidien L'Equipe, dont Bruno Bini était la cible, dans l'édition du lundi 15 août 2011.
Depuis 2007, Bruno Bini est l'homme de la situation. Après avoir mené les filles -16 et -19 puis avoir signé un coup d'essai prometteur avec les "grandes" en 2009 (première qualification des Bleues pour une phase finale d'une compétition internationale, sortant des poules à l'Euro et battues seulement aux tirs au but), il a connu le grand frisson cet été avec les Soubeyrand, Bompastor, Viguier Nécib et autres Thiney : une quatrième place à la Coupe du Monde 2011, belle aventure synonyme de qualification pour les Jeux Olympiques de Londres en 2012.
"J'ai déposé seize chansons. La chanson, ça m'oxygène."
Si la vibrante épopée a permis de braquer un peu plus les projecteurs sur un foot féminin en plein essor, il n'a pas tout changé. A commencer par le style Bini, fait de caractère et d'humilité. "Ma petite personne, vous savez... Je ne suis pas Domenech", lâche-t-il notamment à son farceur, qui veut lui faire croire qu'il compose une chanson à la gloire de ces Bleues de l'ère Bini. Vous imaginez bien que Bruno Bini, 56 ans, a été un peu décontenancé quand un coco se présentant comme un auteur de chansons du nom de Patrick Serras l'a appelé pour l'informer qu'il avait composé un tube à sortir avant que "le soufflé des femmes du foot retombe" : "Mais il n'y a pas de raison ! La fédé va faire un gros effort pour elles, et Direct 8 retransmettra leurs matches", commence par répondre l'entraîneur. Avant d'enchaîner, étonnant : "Bon, maintenant, sachez que j'ai une carte d'auteur à la SACEM où j'ai déposé seize chansons, mon ami CTR de Corse ayant signé les mélodies. La chanson, ça m'oxygène."
Initiales B.B.
Ah, ah ! Il y a peut-être moyen pour ledit Patrick Serras de parler business, alors ?! L'auteur du canular s'engouffre dans la brèche, brandissant "l'idée d'un pot-pourri qui reprendrait d'anciens tubes et votre nom" avant de citer la Bardot de Gainsbourg, Initiales B.B.. Comme Bruno Bini, mais aussi : "C'est drôle parce que ma femme s'appelle Brigitte et ma fille Bérengère. Si j'avais eu un fils, il se serait prénommé Bastien. On ne serait pas sorti de nos initiales à nous", réagit le coach.
En hardi, Patrick Serras, suggère un Dutronc revisité, "J'aime les filles... en Bini-jupe". "Continuez", rebondit l'interlocuteur. Puis face à au projet d'un clip en mini-jupe sur une Harley ou en bikini pour un Itsi Bitsi petit Bini-bikini à la Dalida, l'entraîneur envoie vers la FFF et le service marketing : "Je ne suis pas sûr que ça intéresserait les gens (...) L'argent n'est pas mon moteur." Et de brandir le principe de "projet de vie" qu'il défend toujours avec ferveur et auquel ses protégées doivent adhérer pour créer un groupe soudé - "Bien vivre ensemble pour bien jouer ensemble".
A la fin, quand la supercherie est avouée par Bernard Dolet, Bruno Bini, encore un peu méfiant, reste terre à terre : "Ah ! Bon." Mais l'idée germera peut-être dans la tête de celui qui a, dans ses rituels incontournables avec ses Bleues, une fameuse "chanson du coach" qu'il interprète en leur tournant le dos - pour ne pas les empêcher de chanter avec lui.
Un fou chantant, un homme heureux
Avec une méthode désormais en partie révélée qui mêle à une grosse rigueur tactique et une grosse exigence morale bien des bons mots ainsi que des références littéraires, cinématographique ou encore musicales, Bruno Bini, atypique et dévoué, cultive son jardin. Et ses filles mettent en avant sa "joie de vivre" ; Marilou Duringer, chef de la délégation des Bleues, insiste quant à elle : " Plus de 50 % de la force de ce groupe, c'est l'union collective et l'ambiance qu'il a créées." Et lui tempère : "Je suis un technicien. Je ne fais pas que faire tourner les oranges (il n'est pas qu'un amuseur). Disons que je suis un technicien avec une prise en charge différente."
C'est un homme heureux, tout simplement ; ce n'est pas pour rien qu'il passe en boucle la fameuse chanson de William Sheller, Un Homme Heureux, et que les joueuses, paraît-il, la lui réclament quand il oublie : "C'est une de mes chansons préférées. Je leur dis que quand je suis avec elles, avec une équipe heureuse, je suis un homme heureux. Elles me taquinent, elles me chambrent un peu. Surtout quand je ne la passe pas, en fait. En ce moment, je suis un homme heureux, oui."
Nous, ce qui nous rendrait heureux, là, ce serait de découvrir un Bini-bout de chanson originale signée Bruno Bini !
G.J.