Treize est un nombre maudit, mais l'incroyable parcours de Leos Carax l'est bien plus. Tombé dans les oubliettes du cinéma français après le désastre financier des Amants du Pont-Neuf (1991), le réalisateur manquait son retour au Festival de Cannes avec Pola X (1999), violemment démonté lors de sa présentation. Plus tard, son sketch en mode mineur dans Tokyo ! (2008) - sélectionné dans Un Certain Regard - semblait alors sonner le glas de sa carrière.
Mais l'enfant terrible du cinéma français n'est pas mort. Miraculeusement sorti de l'ombre après une vingtaine d'années sans étincelles, Leos Carax est en compétition officielle avec Holy Motors, un film-somme qui marque son retour au Festival de Cannes, treize ans après l'accueil glacial de Pola X. L'occasion pour lui de retrouver Denis Lavant, Michel Piccoli et Edith Scob - qui rend un bel hommage aux Yeux sans visage (1960) de Franju - face à Eva Mendes et Kylie Minogue, étonnamment égarées dans le cinéma français.
Holy Motors raconte l'histoire de monsieur Oskar, un homme sans identité ni finalité. Transporté dans les rues de Paris par une étrange femme et une limousine, il incarne un monstre, un tueur, un homme d'affaires, un père, un mendiant, balloté d'un univers de film à un autre, à la recherche d'un semblant de beauté et de sens.
Opaque et insensé, le synopsis du cinquième film de Leos Carax - dont le pseudonyme est une anagramme d'Oscar - est à la hauteur de sa réputation. Délaissé par Eva Mendes, récemment aperçue à New York, le cinéaste s'est consolé avec la belle Kylie Minogue, visiblement ravie d'attirer l'attention sur ce film hors norme. La chanteuse y interprète d'ailleurs la chanson Who Were We, un morceau inédit écrit par Leos Carax et Neil Hannon.
En conférence de presse, Leos Carax déclarait que le cinéma était "une île, une belle île, avec un grand cimetière". Alors que Holy Motors est porté aux nues par la majorité des critiques, le cinéaste incorrigible semble encore loin d'avoir creusé sa tombe. Il pourrait d'ailleurs bien chambouler les pronostics en décrochant l'une des Palmes d'or les plus étonnantes de ces dernières années.
Holy Motors, en salles le 4 juillet.
Geoffrey Crété