Cecilia Bartoli est prompte à s'embraser : si on a pu apprécier son émotion domptée lors du plus récent pan de sa love story avec Paris (en l'espace de quelques jours, la cantatrice transalpine a reçu les insignes d'Officier de l'ordre national du mérite à la Salle Pleyel, et la médaille Grand Vermeil de la Ville de Paris), on avait auparavant goûté au dernier chapitre sulfureux de sa passion lyrique.
Avec Sacrificium, son dernier album en date, la célébrissime mezzo-soprano souhaitait avec panache redorer les lettres de noblesse de la musique des castrats de l'école napolitaine, n'hésitant pas à provoquer la polémique et à resituer un fait historique pas encore si archaïque au vu de mode contemporaine de la chirurgie esthétique : "Beaucoup de chanteurs chantent la musique écrite pour les castrats. Mais pourquoi personne ne parle jamais de la tragédie qui est à la base de cette musique magnifique ? Imaginez-vous qu'aujourd'hui, on connaît les noms d'environ cent castrats. Mais pour arriver à ce chiffre, on a castré aux XVIIe et au XVIIIe siècle, en Italie, des centaines de milliers de garçons ! L'album s'appelle 'Sacrificium' pour rappeler le sacrifice de tant de garçons au nom de la musique. La photo sur la pochette du disque traduit l'idée d'une voix de femme dans un corps d'homme (...) Pour moi elle symbolise la combinaison de la beauté et de la cruauté. Malheureusement, aujourd'hui même, nous sommes encore prêts à sacrifier nos corps et le corps d'autres pour une beauté superficielle, légère, comme ça, suggérée par la mode. Pensons aux mannequins, anorexiques, ou aux piercings partout. Les femmes, botox partout, dans le nez, dans les oreilles, les lèvres c'est vraiment la folie de la chirurgie esthétique. Allons, soyons sérieux : c'est tellement différent du phénomène des castrats ?!"
Ce beau projet de la diva romaine se décline désormais en DVD (dont vous pouvez découvrir un extrait ci-dessus), issu de la captation somptueuse par Olivier Simonnet du récital qu'elle donna, au cours de sa tournée Sacrificium, au coeur du joyau baroque qu'est le palais de Caserte (en bonus de l'édition : une visite guidée du palais, de la ville et de la région), pour une performance in situ, dans le berceau des grands arias baroques. Parée de costumes plus incroyables les uns que les autres, Cecilia Bartoli interprète avec générosité et virtuosité les airs les plus spectaculaires du répertoire pour castrats, accompagnée du Giardino Armonico sous la baguette de Giovanni Antonini.