Quelle part d'ombre y a-t-il derrière les champions ? Cédric Pioline, 44 ans, qui a laissé au gré de ses quatorze saisons passées sur le circuit ATP l'image d'un champion aimable au sourire franc et sans ombre, a décidé de lever le voile sur la sienne. Impossible a priori de déceler, chez celui qui fut la coqueluche du public français et le numéro un du tennis hexagonal pendant dix ans, les stigmates - sinon une légère claudication... - d'une enfance difficile, qui aurait pu l'amener vers les cours de justice plutôt que les courts de tennis. Et pourtant...
Dans son autobiographie parue vendredi 2 mai 2014, servie par un titre smash et cathartique - Le Tennis m'a sauvé -, Cédric Pioline, volontaire, fait la lumière sur son passé de chapardeur de BD dans les Monoprix et de voleur de mobylettes dans les parages de Pigalle, sur la manière dont il a quitté le domicile familial à 18 ans dans un contexte douloureux, et dont le tennis a été son "issue de secours". Pas par exhibitionnisme, puisqu'il se décrit - et qu'on le connaît - comme quelqu'un de pudique, mais pour servir d'exemple ("J'espère que des gens vont se reconnaître à travers mon histoire") et passer quelques messages : "Vis-à-vis de mes , je voulais laisser une trace (...) C'était aussi un moyen de dire merci à pas mal de monde, mes parents...", a expliqué au Parisien, en date du 2 mai, l'ancien numéro 5 mondial. Des parents dont le divorce l'a beaucoup affecté, et avec qui les relations étaient délicates, entre un père incapable d'encourager son fils et une mère qui l'a "conduit à quitter le domicile familial" le jour de sa majorité. "Ça n'a pas toujours été évident. C'est peut-être un moyen de leur parler de manière directe et indirecte", rebondit-il laconiquement quand le journaliste Hervé Dacquet le questionne à ce propos.
Conscient d'être "un peu méconnu sur certains aspects" malgré sa médiatisation pendant une décennie, le champion, vainqueur de cinq titres sur le circuit pro (mais aussi demi-finaliste à Roland-Garros et demi-finaliste à Wimbledon et l'US Open, défait à chaque fois par Pete Sampras), n'hésite pas à dire les choses en observant la période de son adolescence, "de 12 à 17 ans" : "Échec scolaire, mauvaises fréquentations, parents divorcés, quartier propice au dérapage. (...) J'aurais pu mal tourner", assure-t-il au Parisien pour justifier la pertinence du titre "salvateur" de ses mémoires. Au nombre de ses mauvaises fréquentations, il parle d'Aziz, un camarade d'école primaire qui faisait "partie de la bande des Abbesses et prenait le chemin" de la prison. "Lui a très vite dérapé", se souvient Pioline.
De ces années-là, Cédric Pioline a gardé des séquelles physiques : à la suite d'un accident, c'est avec une jambe plus courte que l'autre de 2 centimètres et un bassin privé de souplesse qu'il fait carrière dans le tennis (et, plus tard, participé brièvement à l'émission Danse avec les stars sur TF1). "J'ai souvent été raillé pour ma démarche chaloupée et nonchalante. Tu vis avec. (...) On démarre tous notre chemin avec notre sac à dos qui contient différents problèmes", remarque-t-il. La suite ne sera pas sans obstacles non plus, et les observateurs ont suffisamment noté son bilan de 12 finales perdues sur 17 : "Il a bien fallu sur ce qui se passait dans la tronche. J'avais un blocage par rapport à ça. Ça a pris du temps à l'identifier." La rédemption d'un gamin en roue libre, la naissance d'un champion.
Cédric Pioline (avec Christophe Thoreau), Le tennis m'a sauvé, éditions de La Martinière, 256 pages, 18 euros. Déjà disponible.