Pour "Une vie en coulisses", titre des mémoires qu'il publiait en 2011 chez Fayard, combien de fabuleuses carrières sous le feu des projecteurs... Emblématique impresario de l'âge d'or de la chanson française, Charley Marouani est mort à l'âge de 90 ans en Corse samedi 29 juillet 2017, selon une annonce faite à l'AFP par sa fille Rachel Marouani. Sa disparition survient un peu plus d'un an après le décès de son frère cadet Gilbert Marouani, également une figure importante de l'industrie musicale, notamment en tant que créateur du label Barclay et éditeur de grandes vedettes (Johnny Hallyday, Barbara, Francis Cabrel, Michel Jonasz, Michel Polnareff, Michel Sardou).
C'est le côté humain qui m'intéresse, le reste c'est des affaires
Né à Sousse en Tunisie d'un père goûteur d'huile d'olive, au sein d'une fratrie de sept, Charley Marouani avait quitté le pays en 1944 suite à la mort de son paternel. Après avoir été photographe à Nice, il était monté à Paris pour exercer le métier d'agent et s'était rapidement lié à Jacques Canetti, avant de devenir lui aussi un protagoniste incontournable de la sphère artistique. En tant qu'impresario, il a géré la carrière de stars telles que Jacques Brel, Barbara, Henri Salvador, Sylvie Vartan, Gilbert Bécaud, Salvatore Adamo, Claude Nougaro, Joe Dassin, Serge Reggiani, Julien Clerc ou encore Carlos. "Jusqu'à aujourd'hui, il continuait de travailler avec Michel Boujenah, Enrico Macias...", a précisé sa famille dans un courriel à l'AFP.
Mais son importance dans le showbiz ne se réduit pas à cet exercice de la promotion et à ses années passées dans l'ombre derrière la scène : "tendre Charley", ainsi que se plaisait à le surnommer Brel, auquel il fut très lié jusqu'à la mort du chanteur en 1978, était pour toutes ces personnalités un "confident" et un "ami" partageant avec elles une "intimité émouvante" qu'il s'était décidé sur le tard à raconter dans son autobiographie. "Impresario, pour moi ça ne veut rien dire. C'est un contact avec les artistes, c'est le côté humain qui m'intéresse, le reste c'est des affaires", confiait-il d'ailleurs lors d'une interview à la radio suisse en 2012. "Jacques Brel et Barbara ont essayé en vain de lui offrir un appartement, Sylvie Vartan lui a demandé comme un service de gérer la carrière de Johnny Hallyday, Henri Salvador voulait l'initier à la pétanque, Joe Dassin et Carlos étaient jaloux de ses succès à la pêche", relate à titre d'exemples la quatrième de couverture d'Une vie en coulisses (Fayard).
A l'occasion de la parution de cet ouvrage, Charley Marouani, qui avait été fait chevalier de la Légion d'honneur en 2009, avait accordé en 2012 une longue interview à TV5 Monde, truffée de souvenirs et d'émotions. Après avoir retracé en préambule son départ de Sousse "bombardée" et "sinistrée à 100%", cet éternel timide racontait à Patrick Simonin l'origine de cette vocation - familiale - d'agent de stars : "Les gens croient qu'on est célèbres, mais c'est pas vrai : on est nombreux, disait-il alors avec un savoureux sens de la formule. Mes oncles, en 1927 et 1932, se sont installés à Nice et Marseille et ont commencé ce métier. C'est pour cela qu'à la suite, mon frère, démobilisé à Nice, a été engagé par mon oncle, mon autre oncle, Félix, a engagé aussi un autre de ses neveux, resté avec lui, à Paris, et c'est comme ça que peu à peu est née la saga familiale." D'où le fait que Brel disait que "pour s'endormir, il comptait les Marouani".
Dans la suite de cet entretien à voir ou à revoir absolument, rendu passionnant par le charisme et la verve d'un Charley Marouani encore superbement fringant, il revenait aussi sur les circonstances de sa rencontre avec Jacques Brel, "la chance de sa vie", livrait des anecdotes cocasses, comme les "ennuis avec le fisc" que lui valut l'avion offert par l'interprète de Ne me quitte pas ou le train de vie dispendieux de Barbara lorsqu'il l'a prise en main et "l'argent de poche" qu'il lui octroyait.
La rédaction de Purepeople souhaite adresser ses plus sincères condoléances aux proches de Charley Marouani.