C'était l'un des dessinateurs les plus respectés mais aussi l'un des plus irrespectueux. Wolinski n'est plus, assassiné lors de la dramatique attaque de Charlie Hebdo le mercredi 7 janvier 2015. Avec lui, c'est un peu de l'irrévérence érotique dont il s'était fait le chantre qui s'en est allée. Depuis l'annonce de sa mort, les hommages se succèdent, à l'image de ceux des femmes de sa vie, son épouse Maryse, ses filles et petites-filles.
Froidement abattu comme ses complices Charb, Cabu, Honoré et Tignous et sept autres personnes, victimes de la barbarie de deux frères activement recherchés, Wolinski avait contribué à faire de la satyre politique ce qu'elle est aujourd'hui, en créant L'Enragé avec Siné, avant de rejoindre le mythique Hara-Kiri puis Charlie Hebdo. Son trait si particulier fera le bonheur des lecteurs de Paris Match, L'Écho des savanes, L'Humanité, Le Journal du dimanche, Télérama ou encore Le Nouvel Observateur. Épicurien, amateur de la gent féminine, Wolin comme l'appelaient ses proches s'est éteint à l'âge de 80 ans, brutalement.
"Il est mort avec ses camarades, avec ses frères comme il disait de Cabu, au service de sa chère liberté pour laquelle il s'est toujours battu et je peux estimer qu'il est tombé au champ d'honneur de sa profession", a confié son épouse depuis plus de quarante ans, Maryse Wolinski, au micro de RTL. "Ce qui s'est passé hier pour moi, c'est une guerre contre la liberté et cette guerre, nous devons la gagner", a-t-elle poursuivi.
Loin de l'image de "jouisseur irrévérencieux" que certains médias ont donnée de Georges Wolinski, Maryse a dépeint "un homme d'une très grande humanité, d'une très grande générosité" et "avant tout un éditorialiste talentueux". S'il avait une réputation de misogyne "qu'il n'était pas d'ailleurs", Maryse a souhaité reprendre une expression du Point pour décrire son défunt mari : "Il était le plus phallocrate des féministes." Et d'ajouter : "Je peux vous dire qu'avec moi, depuis quarante ans, il était un amoureux merveilleux, un guide, il était mon meilleur ami."
Leur fille unique, Elsa - Wolinski était également le père de deux autres filles, fruits de sa relation avec sa première épouse Jacqueline -, a publié un vibrant hommage sur les réseaux sociaux, le bureau de son père, vide, avec la légende : "Papa est parti pas Wolinski."
Elsa Wolinski était également ce jeudi 8 janvier au micro d'Europe 1 et "pense ce matin à toutes les autres familles". Elle a également indiqué, comme sa mère avant elle, que s'est son époux, qui s'était rendu sur place, qui leur a appris la nouvelle du décès de Georges Wolinski. "Si mon mari ne s'était pas rendu sur les lieux, on l'aurait appris par les médias", lâche-t-elle avant de poursuivre : "Il va falloir qu'on soit tous soudés, le combat sera rude. Mais on ne peut pas tuer des idées." Comment aurait réagi son père en apprenant la nouvelle ? "Il aurait été profondément touché, il aurait sans doute versé quelques larmes."
"Je suis dans le bureau de mon père, j'ai dormi dans son lit. Je ne pensais pas qu'il pouvait mourir pour ses idées", poursuit très émue la fille du dessinateur. Et d'ajouter : "Je voulais remercier tout le monde car on a des témoignages magnifiques, ce qui prouve que c'était des hommes qui faisaient passer des messages, et nous ne devons pas oublier que nous sommes là pour faire passer des messages. (...) Ce n'était pas qu'un homme qui faisait des dessins de cul, c'était aussi un homme qui racontait des histoires et qui se battait pour une liberté d'expression. (...) J'ai été élevée dans l'idée qu'il faisait un métier à risque. Quand on se bat pour des idées, on sait que ça peut arriver."
Hier soir, alors que des dizaines de milliers personnes s'étaient rassemblées sur la place de la République, Lola Wolinski, petite-fille de l'impertinent dessinateur, se trouvait parmi les anonymes et confiait au micro d'iTÉLÉ : "J'ai tenu à venir ici alors que toute ma famille est réunie. C'était important d'être ici pour montrer aux jeunes que la presse est importante et qu'il faut la lire et la soutenir."
Georges Wolinski, 28 juin 1934 - 7 janvier 2015