À quelques jours de Noël, Claude Guéant ne s'attendait probablement pas à ce genre de cadeau. L'ancien ministre de l'Intérieur sous la présidence de Nicolas Sarkozy a été placé en garde à vue ce mardi dans l'enquête sur les primes en liquide versées place Beauvau.
Histoires de primes
C'est Europe 1 qui a révélé la nouvelle, confirmée à l'AFP par une source judiciaire. Claude Guéant et Michel Gaudin, actuel directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, sont entendus sous le régime de la garde à vue depuis 8h ce matin dans les locaux de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (DNIFF) à Nanterre. L'enquête porte sur des primes en liquide d'un montant de 10 000 euros versées chaque mois à Claude Guéant entre 2002 et 2004 lorsqu'il dirigeait le cabinet de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur. Des primes qu'il n'aurait pas déclarées.
Mi-juin, une enquête préliminaire avait été ouverte pour détournement de fonds publics, complicité et recel à la suite de la publication d'un rapport des inspections générales de l'administration (IGA) et de la police nationale (l'IGPN, la fameuse police des polices), qui pointaient du doigt des primes en liquide puisées dans les "frais d'enquête et de surveillance" des policiers et remises à Claude Guéant.
Le rapport indiquait que "pendant deux ans", les primes versées au personnel du cabinet de la place Beauvau avaient "été complétées par des versements en provenance des frais d'enquêtes et de surveillance" à "hauteur de 10 000 euros par mois remis au directeur du cabinet du ministre", ledit directeur étant Claude Guéant.
De l'argent que Claude Guéant reconnaît avoir touché entre 2002 et 2004. Seul problème, ces primes de cabinet avaient été interdites en 2002 sous le gouvernement Jospin, à la différence des primes versées aux policiers, destinées aux frais d'enquête, toujours en place à ce jour. Théoriquement, il était donc impossible pour le cabinet de toucher des primes puisées dans les fonds réservés aux frais d'enquête.
Perquisition et tableaux de maître
L'affaire remonte au mois de février de cette année, lors d'une perquisition au domicile de Claude Guéant dans le cadre d'une autre enquête portant sur des accusations d'un éventuel financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Les enquêteurs découvrent alors un versement de 500 000 euros datant de 2008 et provenant de l'étranger. Une somme que justifie l'ancien ministre par la vente de deux tableaux de maître à un avocat malaisien. Seul problème, les deux oeuvres d'un peintre flamand du XVIIe siècle, Andries van Eertvelt, sont estimées au grand maximum à 15 000 euros chacune. Les enquêteurs tombent également sur de "nombreux et conséquents paiements de factures en liquide". Claude Guéant explique avoir réglé des achats d'appareils ménagers pour une somme comprise entre 20 et 25 000 euros, somme réglée grâce aux primes touchées lorsqu'il était chef de cabinet place Beauvau.
Primes illégales
Cependant, ces primes en liquide avaient été supprimées par Daniel Vaillant, ministre de l'Iintérieur sous le gouvernement Jospin en 2002. L'enquête menée par l'IGA et l'IGPN sur demande de Manuel Valls, l'actuel ministre de l'Intérieur, a démontré que le système avait perduré en se finançant grâce aux "frais d'enquête et de surveillance" alloués aux policiers et aux missions inhérentes au ministère. Une pratique illicite, donc.
Michel Gaudin, actuel directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy et ancien directeur général de la police nationale (DGPN) au moment des faits, et donc en charge des fonds d'enquête, a lui aussi été placé en garde à vue. Les enquêteurs vont désormais tenter de savoir si les fameux fonds ont été détournés ou non.
Rappelons que tous les protagonistes de cette affaire sont présumés innocents jusqu'au jugement définitif.