Après l'exil, la répudiation... Si des sourires passaient lundi dernier sur le visage de l'infante Cristina d'Espagne, exceptionnellement rentrée à Madrid et réunie avec sa famille, lors de la messe à la mémoire du regretté prince Kardam de Bulgarie, son horizon n'en finit plus de s'assombrir : mise en examen, à la suite de son mari Iñaki Urdangarin, dans le cadre de l'affaire de détournement de fonds de l'Institut Noos, son frère le roi Felipe VI vient de la destituer de son titre de duchesse de Palma de Majorque. Sans doute la décision la plus difficile de son jeune règne...
C'est un signal fort envoyé à ses compatriotes et à l'opinion publique : lors de son avènement sur le trône, le 19 juin 2014, le roi Felipe VI avait promis de restaurer la confiance en prônant l'intégrité et la transparence. Un cap, nécessaire après l'accumulation de scandale qui a grevé la fin de règne de son père le roi Juan Carlos Ier, qu'il a décidé de tenir coûte que coûte alors que sa soeur et son beau-frère sont en instance de jugement. "Le Bulletin officiel de l'État publiera demain [ce vendredi, NDLR] un Décret Royal par lequel Sa Majesté le Roi révoque l'usage du titre de Duchesse de Palma de Majorque par Son Altesse royale l'infante Cristina", a annoncé jeudi 11 juin 2015 au soir le palais dans un communiqué. La "sanction" intervient donc à la veille des 50 ans de l'intéressée, anniversaire qui aura un goût très amer ce samedi 13 juin...
"Conformément à l'article 6 du décret royal 1368/1987, du 6 novembre, régissant les titres, les traitements et les honneurs de la famille royale et les régents, je suis résolu à révoquer l'attribution à Son Altesse Royale la Princesse Cristina du droit d'utiliser le titre de duchesse de Palma de Majorque, qui lui a été accordée par le décret royal 1502/1997, du 26 septembre. Ainsi en décidé-je par le présent décret royal", signale ce vendredi le monarque, comme prévu. Cette décision, "ni soudaine ni improvisée", selon une déclatation de la Maison royale à l'agence de presse EFE, le roi Felipe VI, 47 ans, l'avait préalablement actée avec sa soeur : l'avocat de cette dernière, Miquel Roca, a souligné avait manifesté "depuis des jours" sa volonté de renoncé au duché de Palma et qu'elle était "d'accord" avec la décision du roi Felipe VI, son frère cadet (47 ans) de révoquer son titre. Elle y a officiellement renoncé dans une lettre en date du 1er juin, et Felipe l'a informée jeudi soir de la publication qui allait être faite le lendemain au Journal officiel.
L'infante Cristina d'Espagne, sixième dans l'ordre de succession au trône d'Espagne, avait reçu le titre de duchesse de Palma de Majorque le 26 septembre 1997, octroyé à vie par son père le roi Juan Carlos Ier à quelques jours de son mariage (le 4 octobre) avec le grand champion de handball espagnol (titré en club et en sélection nationale) Iñaki Urdangarin. Une union dont sont issus quatre enfants (qui ne portent pas ce titre, non héréditaire), Juan (15 ans), Pablo (14 ans), Miguel (13 ans) et Irene (10 ans), qui a récemment fait sa première communion en Suisse. La famille de l'infante est en effet installée à Genève depuis août 2013 : si, officiellement, cette expatriation est liée aux activités professionnelles de la princesse à la tête de la branche internationale de la fondation de la banque La Caixa, les développements de l'affaire Noos ont très certainement motivé cette décision (notamment pour protéger les enfants), au vu de l'ampleur prise par le scandale dans les médias.
L'opinion publique espagnole a été choquée en découvrant, en 2011, que l'idole du hand Iñaki Urdangarin aurait détourné 6,1 millions d'euros au milieu des années 2000 alors qu'il présidait un organisme non lucratif, l'Instituto Noos, en charge de l'organisation d'un grand congrès du tourisme dans les Baléares. Le gendre du roi Juan Carlos Ier, lâché par la monarchie après la révélation du scandale et mis en examen pour plusieurs délits graves, aurait abusé de sa position au sein de la famille royale pour décrocher des contrats aux îles Baléares et à Valence, et détourné avec son associé d'importantes sommes via des sociétés écrans. L'infante Cristina a été à son tour mise en examen par le juge majorquin José Castro, qui l'a renvoyée le 22 décembre 2014 devant le tribunal après une première tentative avorté. Le magistrat la soupçonne Cristina d'avoir pris "activement" part aux fraudes en utilisant à des fins personnelles une partie des sommes détournées, via Aizoon, une société écran détenue à parts égales par les deux époux. Quelques mois plus tôt, l'intéressée niait tout en bloc, affirmait n'être au courant de rien et disait n'être nullement impliquée dans ses affaires, lors de son interrogatoire. En avril 2015, dans des documents que ses avocats ont fait enregistrer tout juste dans les délais pour sa défense, alors que l'instruction est achevée, elle faisait savoir qu'elle plaiderait encore l'ignorance lors du procès impliquant 17 personnes, qui se déroulera à Palma de Majorque à une date restant à déterminer.
Un épisode que beaucoup d'Espagnols attendent de pied ferme, et au cours duquel le jeune roi Felipe sera à nouveau mis à l'épreuve. Cristina, elle, a définitivement perdu toute noblesse aux yeux de ses compatriotes.