Le juge José Castro a pris tout le monde de court, mais ne verra pas l'infante Cristina d'Espagne se présenter devant lui le 27 avril, date à laquelle il avait décider de convoquer la fille cadette du roi Juan Carlos Ier pour l'entendre sur un délit de trafic d'influence dans le cadre de l'enquête qu'il instruit contre son époux Iñaki Urdangarin, mis en examen pour des faits de corruption dans le scandale Noos. L'audition de l'infante a été reportée sine die en raison d'un recours déposé par le Parquet anticorruption, a indiqué vendredi 5 avril 2013 le tribunal de Palma de Majorque.
Les renforts ne sont pas venus d'où on pouvait l'espérer. Tandis que la presse faisait ses gros titres de la convocation de l'infante Cristina par la justice, après des mois d'incrédulité concernant le fait qu'elle soit jusque-là épargnée par la procédure, et que la Maison royale faisait officiellement part de son "étonnement" suite à cette décision, c'est donc du Parquet anticorruption qu'est venu le salut - provisoire. L'organe judiciaire, qui en appelle au "principe d'égalité devant la loi", conteste la décision du juge Castro d'ouvrir une enquête contre l'infante, estimant les "indices" inexistants et considérant comme "un traitement discriminatoire" la mise en cause d'une personne "pour des faits qui, a priori, ne présentent pas de caractère délictuel". En somme, la position inverse de l'opinion publique, qui semblait juger discriminatoire l'exclusion de Cristina d'Espagne de la procédure, selon un récent sondage par le biais duquel plus de 80% de citoyens se prononçaient pour une convocation de l'infante par la justice.
"La même justice pour tous" selon le juge ; "discriminatoire" pour le Parquet anticorruption...
Le juge José Castro, qui basait sa décision sur des indices laissant penser que la fille du roi a pu "consentir à ce que son lien de parenté avec le roi Juan Carlos soit utilisé par son mari" et l'ex-associé de ce dernier dans le cadre des activités délictueuses de l'Instituto Noos sous la présidence d'Iñaki Urdangarin, accusé du détournement de 5,8 millions d'euros, a pris acte de ce recours du Parquet anticorruption et estimé qu'il "ne convenait pas de maintenir" la date prévue (27 avril), de manière à laisser à la justice le temps de l'étudier et de se prononcer. "Une fois une décision rendue sur ce recours, si son contenu le permet, une nouvelle date sera fixée", signale le magistrat dans un communiqué. Un contre-temps qui n'enlève rien à un fait important : il y a désormais une brèche dans l'aura sacrée de la famille royale...
José Castro avait préalablement qualifié mercredi "d'inévitable" l'audition de Cristina d'Espagne dans ce dossier pour lequel il a déjà longuement entendu Iñaki Urdangarin, à deux reprises au tribunal de Palma de Majorque (25-26 février 2012, 23 février 2013). Le juge était allé jusqu'à affirmer que ne pas convoquer l'infante reviendrait à discréditer la maxime selon laquelle "la justice est la même pour tous". C'est aussi ce qui semblait ressortir des accusations de Diego Torres, l'ancien associé du gendre du roi à la tête de l'Instituto Noos, un organisme à but non lucratif chargé d'organiser un congrès touristique international dans les Baléares. Entendu par le juge Castro le 16 février dernier, l'homme, ancien économiste qui promettait depuis sa mise en examen de faire des révélations à charge pour la famille royale, avait remis à la justice des courriers et des témoignages semblant attester que Cristina d'Espagne était parfaitement au courant des activités de son mari, contrairement aux dénégations de ce dernier, soucieux de préserver la famille royale depuis l'éclatement du scandale. "Nous étions cinq à siéger au conseil d'administration [de l'Instituto Noos]", avait souligné Torres, pointant du doigt l'infante, seule du lot à ne pas avoir fait l'objet d'une mise en examen, ajoutant "Iñaki me rapportait continuellement que l'infante était au courant et qu'elle lui avait fait tel ou tel commentaire."