"Si vous essayez de déterminer après-coup ce qui est populaire, vous suivez une formule. Nous sommes expérimentaux, mais nous sommes des entertainers ; nous avons réalisé un disque pop, mais nous pensons que la pop, c'est cela. L'idéal, c'est ce qui devient ensuite populaire. Au final, les gens reviendront à ce qui s'écoute bien" : certain que le style emphatique de la pop actuelle s'essoufflera à un moment ou à un autre, Django Django, étonnant quatuor britannique formé en 2009, vient de jeter un - énorme - pavé dans la mare.
Sorti fin janvier 2012 chez Because Music (maison de Justice et de Metronomy), Django Django, premier album éponyme du groupe, s'est d'emblée attiré les faveurs du sérieux Guardian (5/5) et de l'exhaustif NME (8/10). Rien à voir avec Django Reinhardt, précise-t-il, et, si possible, rien à voir avec rien. David Maclean (batteur, producteur), Vincent Neff, (chanteur, guitariste), Jimmy Dixon (bassiste) et Tommy Grace (synthés, programmation), qui se sont connus pendant leurs études à Edimbourg et se sont retrouvés à Londres, tentent coûte que coûte d'échapper à l'uniformisation, quitte à utiliser des noix de coco comme percus ("galop de cheval" reconnaissable dans Love's Dart, chanson sur la ruée vers l'or d'un homme rattrapé par un désir amoureux) ou à définir leur magma musical psychédélique de manière... imagée : "Des chansons en choeur délirantes, galopant vers des soleils couchants disco telles des bandits saoulés au whisky sur les selles en cuir des mustangs sauvages qu'ils ont volés." Loufoque ? Des morceaux comme Waveforms, premier single et trip initiatique à la chevauchée étrange et mystique, ou Wor, qui n'a pas servi pour rien à la campagne de pub de l'energy drink Burn, nous entraînent pourtant loin, bien loin, à l'aventure...
"On n'essaye pas d'être éclectique juste pour être éclectique, comme des dingos, mais parfois on a l'impression d'avoir créé un monstre. Lorsque quelque chose se produit, notre philosophie, c'est d'y aller et de voir où ça nous mène", analyse David Maclean pour le Guardian. Il concède néanmoins avoir un point de référence : le Beta Band, légende écossaise dont son frère John Maclean était le claviériste, qui imposa dans les années 1990 une empreinte aussi exubérante et exaltante (notamment avec des concerts bluffants, conceptuels, extravagants) que Django Django semble en passe de le faire.
Dès Storm, premier single (en écoute dans notre player) avec lequel Django Django émergea de nulle part en 2009, l'importance accordée aux percussions et à une production atypique saute aux tympans. Normal : l'enregistrement a eu lieu dans une chambre, David Maclean se remémorant ses expérimentations de jeunesse et estimant qu'il n'y avait pas besoin de studio. Selon lui, élevé au DJing, les batteries modernes compressées peuvent vider un dancefloor, quand les enregistrements réalisés avec de vieilles caisses claires cassées et quelques micros permettent d'obtenir "les meilleurs rythmes que vous entendrez jamais" : "Si vous écoutez Barbara Ann des Beach Boys, c'est vraiment une production mauvaise, mais c'est l'un de leurs plus grands tubes. Nous n'avions pas d'argent pour un studio, mais si vous tenez un micro près d'une batterie et que ça le fait, ce n'est pas la peine d'en avoir un."
A l'arrivée, cela donne un cocktail survitaminé et over-rythmé de musique hallucinogène pour un album qui secoue : la surf attitude cosmique de Hail Bop, le branle-bas de combat de Wor avec ses sirènes hurlantes et ses percus en folie, l'électro tribale de Skies Over Cairo... Tout un univers à découvrir et à fantasmer avec l'album Django Django, dont tous les titres sont à découvrir en intégralité sur la chaîne YouTube du groupe britannique. Go Django !
G.J.