Trois mois après les attentats meurtriers de Saint-Denis et Paris, Eagles of Death Metal faisait son grand retour dans la capitale mardi soir. L'objectif était simple : terminer le concert du 13 novembre au Bataclan où 89 fans, de tous âges et origines, ont perdu la vie.
Hier soir, l'Olympia était placé sous haute sécurité. Sur le trottoir d'en face, des caméras partout. Forcément. Les rescapés du Bataclan étaient bien sûr invités à se joindre au groupe qui, avant de monter sur scène, est allé à leur rencontre devant l'Olympia pour faire des hugs (câlins).
On va passer un bon moment ce soir, personne ne pourra nous arrêter
Le bar de l'Olympia est bondé. On y achète une bière. On y distribue des tracts portant le numéro de la cellule d'urgence médico-psychologique et celui du réseau d'association d'aide aux victimes. Eagles of Death Metal (EODM) est rejoint à la batterie par son complice Josh Homme, leader de Queens of The Stone Age, cofondateur de EODM mais absent du Bataclan le 13 novembre. À 21h10, le groupe monte sur scène au son d'Il est cinq heures, Paris s'éveille de Jacques Dutronc. L'émotion est à son comble. Quelques larmes, beaucoup de sourires dans le public. Jesse Hughes, leader charismatique de la formation californienne, prend la parole : "On va passer un bon moment ce soir, personne ne pourra nous arrêter." C'est au milieu de la première chanson que le groupe lance une minute de silence : "Prenons un instant pour nous souvenir, puis on recommencera à jouer." Et de reprendre de plus belle.
Plus tard, le groupe dédie une chanson à Nick Alexander, ce jeune Britannique de 36 ans qui s'occupait de leur marchandising et qui a lui aussi perdu la vie lors des attentats. À l'heure des rappels, Jesse Hughes revient avec une guitare bleu-blanc-rouge, il a cassé la précédente et l'a jetée dans le public. Rock'n'roll. "Vous n'imaginez pas combien je vous aime. Vous et moi sommes coincés à présent. Je suis devenu parisien. J'avais besoin de vous et vous ne m'avez pas laissé tomber."
Selon Le Parisien, sur les 2 000 places de l'Olympia, 900 invitations ont été utilisées par les rescapés. Pour les accueillir, une équipe de 25 psychologues était sur place. Comme l'explique l'une d'entre eux dans le Parisien : "Certains ont besoin de ce concert pour passer à autre chose. Mais cela peut-être à double tranchant. S'ils craquent, nous sommes là pour les aider." Emmanuel, 42 ans, a quitté le concert sur ses béquilles avec le sourire : "J'ai vraiment réussi à prendre du plaisir. Je n'étais pas venu pour une thérapie, mais pour m'amuser", glisse-t-il à l'AFP. Pour Alexis, 26 ans, le concert fut plus difficile. Il avait choisi une place au balcon, à trois mètres d'une sortie de secours : "Il a fallu attendre les rappels pour que je m'amuse."
Sur scène, Eagles of Death Metal n'a pas joué Kiss The Devil, la chanson durant laquelle l'attaque du 13 novembre a débuté. Dans Le Parisien, Jesse Hughes explique aujourd'hui écrire pour évacuer, notamment ce qui pourrait devenir une chanson sur les attentats. Il révèle que sa petite amie et le groupe sont suivis par un psychologue et que, la veille du concert, ils ont passé la soirée avec les rescapés des premiers rangs : "Nous avons bu du vin, fumé de l'herbe, raconté des conneries, écouté beaucoup de musique. (...) Il n'y avait que des rescapés du Bataclan et ils ne se comportaient pas comme des victimes. Pour moi, ce sont des champions, des vainqueurs."
Moi, ma seule arme, c'est ma guitare. Et ma guitare tue tous les trous du cul
Trois semaines après les attaques, le groupe était de retour à Paris à l'invitation de U2, qui jouait à l'AccorHotels Arena. EODM s'est évidemment recueilli devant le Bataclan après avoir partagé la scène avec les Irlandais. "Les membres de U2 ont été comme des secouristes du rock'n'roll. À leur façon, ils nous ont fait des massages cardiaques, continue Jesse dans Le Parisien. Pour que nous restions en vie." Désormais, le rockeur ne peut échapper aux questions sur le port d'arme, il lâchait la veille dans une interview très émouvante au Grand Journal de Canal+ : "Si j'avais eu une arme, j'aurais pu faire quelque chose. Je ne peux pas vous dire à quel point j'aurais préféré être face à ce choix plutôt que de vivre aujourd'hui avec toute cette merde." Et de préciser dans Le Parisien qu'il ne fait pas de prosélytisme, encore moins de politique : "Moi, ma seule arme, c'est ma guitare. Et ma guitare tue tous les trous du cul."
Le Bataclan va renaître de ses cendres pour une réouverture espérée à la fin de l'année. Eagles of Death Metal souhaite être le premier groupe à y rejouer.