À travers l'expérience d'une adolescente dans le monde de l'entreprise, le réalisateur Marc Fitoussi signe une comédie dramatique pertinente et touchante sur fond social, Maman a tort. Devant sa caméra, Émilie Dequenne se glisse dans la peau d'une mère qui semble maîtriser sa vie professionnelle et personnelle, mais sa fille, dont le sens de l'observation est nourri d'innocence et de justice, vient perturber l'équilibre fragile qu'elle avait mis en place. Des rôles de mère et de fille délicats et incarnés avec une infinie justesse. La comédienne belge qui avait crevé l'écran dans Rosetta en 1999 et obtenu le prix d'interprétation Un certain regard à Cannes pour À perdre la raison (2012) a répondu aux questions de Purepeople, avec spontanéité et sincérité. Rencontre.
Émilie Dequenne donne la réplique à la jeune Jeanne Jestin, qui a déjà tourné dans Le Passé d'Asghar Farhadi. De quoi faire écho aux débuts de l'actrice chez les frères Dardenne : "J'avais le bac déjà. Ça m'a renvoyée évidemment à moi. Jeanne, ce n'est pas son premier film, mais il y a une résonance folle avec Rosetta car, comme elle, j'étais de tous les plans. Cela étant, Jeanne n'a pas fini l'école. Elle était en 4e l'année dernière. Heureusement en France, c'est assez verrouillé en termes d'horaires, elle était protégée et ne pouvait pas tourner plus de quatre ou cinq heures par jour. Elle avait quand même des cours à l'issue du tournage. Moi, sur Rosetta, je faisais des journées de douze heures, parfois même plus. Mais j'avais terminé mes études, je n'avais plus d'obligations scolaires, donc je tournais autant que je voulais."
À l'image de son personnage, Jeanne Jestin est très déterminée. Émilie Dequenne n'a pas vraiment eu besoin de lui donner de conseils car "elle a un caractère bien trempé". Ce qui ne les a pas empêchées de nouer une belle relation : "Nos rapports étaient très agréables." La jeune fille se distingue de la comédienne adolescente qu'était Émilie Dequenne : "Jeanne a fait des castings un peu par hasard. Je pense qu'elle aime vraiment jouer la comédie, mais je ne suis pas sûre qu'elle veuille en faire son métier, qu'elle continue. Mais elle veut faire ce qu'il lui plaît. C'est quelqu'un sans concession. Moi, effectivement, j'ai toujours voulu faire ce métier. J'ai voulu faire des castings toute ma vie. Jeanne a une maturité différente. Elle contrôle mieux que moi je ne le faisais."
Hasard heureux, Émilie Dequenne est elle-même maman d'une jeune fille, Milla, qui a 14 ans : "Forcément je me suis inspirée de moi. Mais je vais nettement mieux que Cyrielle ! (rires) Pour n'importe quelle mère qui travaille, a des enfants – mon mari [Michel Ferracci, NDLR] a deux garçons avec qui on forme une vraie famille –, ce n'est pas simple. Même si mon travail me rend très heureuse, je suis humaine. Ça m'arrive d'être fatiguée. Je n'ai eu aucune difficulté à trouver chez moi de quoi nourrir Cyrielle." Elle dit aussi s'être inspirée d'une mère au foyer du petit écran, Betty Draper de Mad Men : "À mon avis, elle n'est pas complètement saine d'esprit."
Sa vie personnelle, elle la protège d'ailleurs des feux des médias, même si cela ne lui demande pas trop d'efforts : "Je suis très famille. Pour vivre heureux, vivons cachés. J'ai une vie pépère, je ne fais pas grand-chose en dehors des tournages et de parler de mes films. Je ne vois pas trop l'intérêt. Cela étant, un tournage empiète énormément sur la vie privée. Les enfants vont à l'école. J'ai envie qu'ils aient une vie stable, posée. Je ne me serais jamais vue scolariser ma fille avec un tuteur qui me suive partout sur les tournages. Moi je suis intermittente, pas elle. Elle est adolescente, il faut qu'elle ait sa vie de collégienne normale." Milla a d'ailleurs vu le film qu'elle a adoré. Se verrait-elle actrice ? Le milieu du cinéma l'intéresse, mais pas forcément le métier de comédienne : "Elle va faire son stage cette année. Elle est passionnée par le maquillage et les effets spéciaux, donc elle va aller à l'atelier 69 à Montreuil. Elle est aux anges."
Après Maman a tort, Émilie Dequenne sera dans le très attendu Au revoir là-haut d'Albert Dupontel, Chez nous de Lucas Belvaux et dans Les Hommes du feu, de Pierre Jolivet, qu'elle finit de tourner.