François-Marie Banier n'a finalement jamais été autant dans le collimateur de la justice que depuis l'arrangement "à l'amiable" acté en décembre 2010 dans le volet familial de l'affaire Bettencourt. A l'époque, on s'en souvient, son éviction de la sphère intime de son amie la milliardaire Liliane Bettencourt avait sonné la fin de la guerre entre l'héritière L'Oréal et sa fille Françoise Bettencourt-Meyers. En échange de sa mise à l'écart et de sa renonciation à des sommes promises ainsi qu'à tout cadeau ultérieur éventuel de la part de Liliane Bettencourt, Françoise Bettencourt-Meyers mettait fin à ses poursuites contre lui. Un armistice de courte durée entre mère et fille, qui n'a même pas évité au photographe d'être plus tard rattrapé par l'affaire.
Car un an après, en décembre 2011, après de nouvelles péripéties et par suite du dépaysement du dossier de Nanterre à Bordeaux, François-Marie Banier était mis en examen par le juge Jean-Michel Gentil et écroué pour "abus de faiblesse, abus de confiance et escroquerie aggravés et blanchiment" ainsi que son compagnon Martin d'Orgeval, à l'issue d'une spectaculaire perquisition à leur domicile parisien. Les deux hommes, après paiement d'une caution record, avaient été libérés et placés sous contrôle judiciaire jusqu'à une prochaine convocation devant le juge Gentil, lequel, après s'être occupé du cas de Patrice de Maistre, ancien gestionnaire de la fortune de l'octogénaire, a fait confisquer il y a quelques jours une assurance-vie de 75 millions d'euros, souscrite par Liliane Bettencourt au profit de François-Marie Banier et placée sous séquestre à la Caisse des dépôts et consignations en attendant la fin de l'enquête. Dans le cadre de l'accord passé avec Françoise Bettencourt-Meyers, François-Marie Banier n'avait pas rendu l'intégralité des sommes et avantages perçus de la part de la milliardaire, dont cette assurance-vie répartie sur trois comptes. L'assurance en question avait été souscrite par Liliane Bettencourt en 2007, soit à une époque où elle était déjà affaiblie par "l'altération de ses facultés mentales" selon l'expertise médicale réalisée en juin 2011. Ce qui autorise le parquet de Bordeaux, dans le cadre de son information judiciaire pour abus de faiblesse ouverte en septembre 2011 et en vertu de la loi du 9 juillet 2010 en l'espèce, à saisir ces fonds.
Ce ne sont pourtant pas les seules sommes dont François-Marie Banier a à répondre et qu'il peut se préparer à voir s'envoler... L'AFP rapporte en effet, ce 21 avril 2012, que deux actionnaires minoritaires de L'Oréal ont déposé une plainte pour "abus de confiance, complicité et recel" avec constitution de partie civile contre François-Marie Banier, qu'ils accusent d'avoir bénéficié d'un contrat de complaisance avec le leader mondial du secteur cosmétique.
Accusations de "prestations purement fictives" et "détournement de fonds"
Alors que le mandat d'administrateur de Liliane Bettencourt au conseil de L'Oréal a pris fin en février et qu'elle y a été remplacée par son petit-fils Jean-Victor Meyers, par ailleurs en charge de sa tutelle, les plaignants, Janez Mercun et la société Temtrade, basée à Genève, accusent Banier d'avoir bénéficié de deux contrats, signés en 1996 et renouvelés en 2002, "qui ne correspondent à rien" et constituent "un détournement de fonds". Le premier, un "contrat de sponsoring" (avec la société personnelle de Banier, Hericy), signé à la demande de Liliane Bettencourt, prévoyait une rémunération d'un million de francs, et le second, un contrat de "prestations de service" (conseil), prévoyait une rémunération de 500 000 francs, selon la plainte consultée par l'AFP. Les sommes ont été portées en 2002 à 305 000 euros par an pour l'un et 450 000 pour l'autre, pour une durée de dix ans, selon les mêmes documents. Or, pour les plaignants, "les prestations de M. Banier ont été purement fictives", selon Me Canoy qui, s'appuyant sur les témoignages de plusieurs dirigeants de L'Oréal lors de l'enquête préliminaire, évalue à deux le nombre d'interventions faites par an depuis 2002 par M. Banier "pour la coquette somme de 450 000 euros pour donner son point de vue artistique sur des produits grand public". Les contrats qui liaient L'Oréal à Hericy, déficitaire à partir de 2007, avaient été abrogés en juillet 2010 suite à la plainte contre X d'un petit actionnaire pour abus de biens sociaux, classée sans suite.