Il n'y a pas que notre pays et l'Europe francophone qui pleurent France Gall depuis sa mort dans la matinée du dimanche 7 janvier 2018 à l'hôpital américain de Neuilly-sur-Seine. Le Sénégal est tout autant meurtri par sa disparition. Depuis les morts successives de son compagnon Michel Berger , en 1992, puis de leur fille Pauline, en 1997, l'artiste s'était retirée dans ce pays d'Afrique de l'Ouest et plus précisément sur l'île de N'Gor.
Vu de l'hexagone, on aurait pu imaginer France Gall vivre recluse. C'était tout le contraire. En décembre 2014 dans Paris Match, elle comparait la traversée pour se rendre sur N'Gor à une "purification exceptionnelle". Sa vie sur place était celle d'une femme entourée, ouverte et curieuse des autres. Elle avait ouvert un restaurant sur la plage comme elle l'expliquait sur RTL : "Quinze personnes y travaillent et des centaines de personnes du village pourront en vivre. J'ai ma vie à Paris où je crée quelque chose et au Sénégal, où je crée autre chose."
TV5 et France Info TV sont allés recueillir les témoignages des habitants de l'île. Abdoulaye Diallo, artiste-peintre qui tient une galerie d'art sur l'île, connaissait bien France : "Elle était d'une générosité extraordinaire et très discrète. C'était la première à participer pour faire avancer l'île et pour participer aux actions caritatives." Sur France Info TV, quelques habitants racontent que la chanteuse payait pour la scolarité de leurs enfants. En raison de sa mort, son restaurant, le Noflaye Beach, restera fermé deux jours. En plus du restaurant, la star avait construit une école. Pour l'artiste sénégalais Youssou N'Dour, elle était devenue sénégalaise : "Là-bas, nous l'avons vue à l'oeuvre, elle fait partie vraiment des gens de Dakar, a-t-il déclaré au Parisien. Son amour pour le pays est indéniable, on rencontrait France aux Almadies, dans les boutiques à côté. C'était une Sénégalaise. Elle avait ses habitudes, elle était toujours très vivante, et toujours en contact avec les gens. On sentait qu'elle avait une certaine liberté d'action ici. Aujourd'hui, nous sommes tous très tristes. Son histoire avec le Sénégal a de la profondeur. Ici, elle avait tout, ses coins qu'elle aimait, ses amis. Elle faisait des allers retours, mais elle passait beaucoup de temps."
Sur l'île, France Gall et son compagnon Bruck Dawit vivaient dans une ferme... normande. Dans VSD, elle racontait : "Je me suis beaucoup reconstruite dans cette maison perdue au milieu de la mer sans électricité. J'ai découvert cette île en 1968 lors de vacances. Depuis, j'y suis toujours revenue. Il y avait une ferme normande à vendre, ça m'a fait rire d'aller tellement loin pour trouver des colombages !"
Si une de ses chansons devait résumer son attachement à l'Afrique, ce serait évidemment Babacar, sortie en avril 1987. Michel Berger et France Gall en ont eu l'idée après avoir rencontré une mère sans ressource pour élever son fils qui leur avait demandés de prendre son fils pour qu'il ait une chance. C'était à Dakar et cette chanson a expliqué à tous ceux qui l'ont entendue les difficultés que rencontrait le pays. "Les Sénégalais ont été très marqués par cette chanson Babacar, qui est leur préférée, c'est un hommage à son engagement envers les jeunes, poursuit Youssou N'Dour. Il y a beaucoup de Babacar ici, et cela nous touche beaucoup car les Sénégalais se sont dits, nous ne sommes pas seuls dans cette bataille. (...) Avec cette chanson, elle a élevé les consciences et l'engouement a été énorme. (...) [France] une soeur pour nous, il faut saluer sa mémoire."
L'année précédente, le couple et leurs amis Richard Berry et Daniel Balavoine lançaient une grande opération humanitaire pour l'Afrique, Action Ecoles. Dans Paris Match, toujours en décembre 2014, France résumait sa vie là-bas : "Le Sénégal, c'est une autre planète, ça vous remet bien les choses en place parce que c'est très dur. Ce n'est pas les vacances, et ce contact avec les gens..." Cette attirance mystérieuse, quasi mystique, a été plus que salutaire pour l'artiste.