Partenaire à l'écran de la sublime Nora Arnezeder, Gérard Lanvin se dévoile dans un nouveau registre avec le film Angélique. À 63 ans, cette gueule du cinéma français, adepte des personnages cabossés, endosse un nouveau type de rôle avec un film en costumes. Charismatique, émouvant et humain, il incarne Joffrey de Peyrac et fait bien plus que reprendre le rôle de Robert Hossein, mythique au côté de la troublante Michèle Mercier en 1964. Rencontre avec cet homme au grand coeur, bavard et passionné.
Le challenge Angélique
"J'ai rencontré Ariel [Zeitoun, le réalisateur du film, NDLR] un peu par hasard, je sortais du film Les Lyonnais. On se connaissait, on avait déjà travaillé ensemble, et puis en parlant et allant aux nouvelles, il m'a parlé d'une nouvelle adaptation d'Angélique, marquise des anges. Je lui ai dit, 'mais alors, qui fait ton Peyrac', et lui m'a répondu, 'écoute si ça t'intéresse, lis le scénario et pourquoi pas toi'. Je n'ai pas suivi l'affaire Angélique, mais je me souviens de cette affiche qui avait fait le tour du monde, d'un public qui est resté fidèle à la version de Robert Hossein et Michèle Mercier, un couple mythique de cinéma. Je me suis dit qu'il se trompait, que j'étais trop vieux pour Peyrac, et que la différence d'âge avec Angélique serait très visible. Et puis il y avait cet idéal, qu'en général je ne soutiens pas, de refaire un film qui a déjà existé. Il m'a convaincu que son adaptation était plus fidèle au roman – que je n'ai pas lu – et j'ai vu dans le scénario un vrai intérêt d'acteur. Un rôle puissant et fort. C'était la première fois qu'on me proposait un film en costumes, et il était temps que ça arrive parce que je ne suis plus un lapin de 8 jours."
La peur, le doute
"On a toujours des doutes, parce que c'est notre ligne de flottaison. Il serait fou de ne plus avoir de doutes. Je sais que c'est le travail qui paie au final. Je travaille beaucoup en amont, donc là, pendant deux mois, en se mettant à l'escrime [avec Michel Carliez, pendant 5 semaines à base de 4 heures par jour, NDLR], en refréquentant le cheval, et puis il fallait apprendre par coeur ce texte parce que vous n'avez pas le droit à l'erreur. Il faut trouver une musique, un rythme. Il ne fallait pas lasser le public sur un ton monocorde. Si la préparation est faite correctement, quand vous mettez le costume, vous êtes rassuré.
Il faut savoir dire oui... s'adapter, comme par exemple le fait de partir de chez vous. On a tourné en Autriche, en République tchèque, en Belgique, partir avec la caravane. À partir du moment où je suis dans cette caravane, le campement, la cantine sous la tente, vous êtes transportés ailleurs. Et puis après, il y a l'amitié qui se créé, comme avec Tomer Sisley que je ne connaissais pas, autant que Mathieu Kassovitz."
L'angélique Nora Arnezeder
"Elle est d'une beauté incroyable. On me proposait là de jouer l'amoureux transi d'une jeune femme aussi jolie qu'elle... Vous savez, être amoureux, ça peut rendre sot ou complètement génial. Et là, c'est un amoureux génial, avec les mots qui l'aident à être génial, sans correction de texte. Donc ça me va. En revanche, la scène d'amour a été la plus difficile à tourner. À l'époque, quand j'ai lu le scénario, je me suis dit c'est pas possible : me retrouver sur un plumard, avec une jeune femme, alors que je n'ai jamais pratiqué cet exercice. Mais ce n'était pas choquant. Arrivé au moment fatidique, ce n'est plus vous, ni Nora, mais Angélique et Peyrac. C'est la manière de la filmer, et je sais qu'Ariel n'est pas un voyeur. Il a fallu avoir de l'affection professionnelle pour Nora, et surtout du respect."
Meilleur acteur...
"Non je n'irai pas aux César, parce que je suis contre l'idée du meilleur. On partage tellement de choses avec nos partenaires, qu'il est difficile de s'autoriser à penser qu'il y a un meilleur là-dedans. C'est le mot meilleur que je refuse. Pas l'amitié des gens, il faudrait être crétin sinon. Si on l'appelait César du prix interprétation, j'irais. J'ai été chercher le prix Jean -Gabin, le prix Louis-Delluc... Mais le César du meilleur acteur, ça me dérange, c'est pour ça que je ne fréquente pas ces soirées-là. Parce que je sais que tous ceux qui y sont nommés et ne l'ont pas sont très entamés quand même. Encore que, a-t-on besoin de récompenses ?"
Christopher Ramoné
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