Purepeople : Est-ce que la pandémie du coronavirus vous a privée de nombreux projets professionnels ?
Ingrid Chauvin : Au contraire. Le confinement m'a permis de finaliser les corrections et les derniers écrits de mon livre, qui s'appelle Rêves d'enfants, qui va sortir le 11 juin 2020 aux éditions Michel Lafon. C'était plutôt bénéfique. Et puis ça m'a permis de rester collée à mon fils Tom, d'oublier une fraction de seconde la catastrophe mondiale...
De quoi va parler cet ouvrage ?
À la base, j'espérais qu'il serait consacré à l'enfant qu'on aurait adopté avec Thierry. Malheureusement, ça n'a pas été le cas. J'ai souhaité attendre la fin de notre agrément et j'ai voulu évoquer ce parcours et cette difficulté qu'est l'adoption en France, aussi et surtout cette protection de l'enfance qui dysfonctionne et qui mérite une grosse révision. L'année dernière, j'ai fait un documentaire sur l'adoption et j'ai passé toute une journée dans une pouponnière avec des enfants. J'ai été choquée. Pendant longtemps, j'ai gardé le souvenir de ces petits visages à l'esprit. Alors j'ai voulu éveiller les consciences.
Vous remettez beaucoup en cause la loi française à ce propos...
Les lois sont mal faites. Ces enfants ne sont pas adoptables parce que le lien du sang perdure. Alors qu'ils ne retournent pas nécessairement dans leur foyer biologique avec leurs parents. J'aimerais qu'on puisse trouver une solution pour eux, qui sont nés sous une étoile capricieuse et qui sont en manque d'amour énorme et qui vont passer pour la majorité toute leur jeunesse dans des familles d'accueil ou des foyers. Ce n'est pas une vie. Ça fait des adultes déséquilibrés. Je voudrais leur rendre hommage et essayer de leur réserver un avenir meilleur. Je pense que les mentalités doivent évoluer, on a des années et des années de retard.
Où en est votre propre projet d'adoption ?
Mon agrément est terminé depuis le mois de novembre dernier. Nous n'avons plus le droit d'adopter. Le projet n'a pas marché et il ne marchera pas. L'agrément ne se renouvellera pas parce qu'on est trop vieux. On est considérés comme trop âgés pour pouvoir le renouveler. Alors oui, c'est choquant. Mais encore une fois, on n'est pas à plaindre parce qu'on est une famille, qu'on a un fils. Je pense à ces gens qui ne peuvent pas en avoir, et tous ces enfants qui sont en demande. Il y a vraiment un gros souci... c'est complètement hallucinant.
Comment l'évoquez-vous avec votre fils, Tom ?
C'est très compliqué. Ça ne devenait plus un projet de couple, mais un projet de famille. On a été obligé d'en parler à notre fils. Il était très ouvert. Il avait 2 ans et demi, il me disait qu'on trouverait une petite soeur et qu'il lui prêterait ses jouets. C'est ancré dans son esprit et ses désirs. Il est très attaché aux enfants. Alors, on n'a pas encore osé évoquer le fait que ça ne serait pas possible, parce qu'il ne nous a pas posé la question. Mais arrivera le moment où on sera obligé de le lui dire. Ce sera une déception pour lui, une frustration.
Votre livre est dédié à votre famille, dont votre fille Jade. Vous a-t-elle accompagnée pendant cette démarche ?
Elle m'accompagne toujours. Elle m'apporte la force d'oser écrire, d'oser défendre ces enfants. Depuis son départ, j'ai le sentiment que ma fille m'aide, quoi que je fasse dans la vie. Que ce soit beau ou difficile, elle m'accompagne dans mon quotidien. Quoi que je fasse, elle est là.
Propos recueillis par Yohann Turi. Toute reproduction interdite sans la mention de Purepeople.