Controversé et avant-gardiste à la fois, Andrzej Zulawski a marqué le cinéma – et notamment français – de son empreinte. Sa mort, survenue mercredi 17 février, a suscité bon nombre de réactions, et notamment de ceux qui l'avaient côtoyé.
Le premier à réagir publiquement a bien évidemment été son fils Xawery lui qui, quelques heures avant le décès, annonçait que son père était mourant et en soins intensifs. "Mon père est mort dans les premières heures de mercredi dans un hôpital en Pologne, a-t-il dit à l'AFP. Il avait des projets mais le choix a été fait. C'était la mort. Il ne s'est pas battu, ne voulait pas se battre. Il a considéré que c'était écrit pour lui."
Dans le courant de la journée, de nombreuses personnalités ont salué la mémoire de ce cinéaste novateur qui n'avait pas peur de briser les tabous – notamment en Pologne, où son cinéma a régulièrement provoqué la censure. La fraîchement promue ministre française de la Culture, Audrey Azoulay, a salué "un grand ami de la France", évoquant "l'univers à la fois éclatant et très sombre, déchiré et déchirant" du cinéaste disparu. Elle aussi parmi les premières à réagir, Nathalie Kosciusko-Morizet a remercié le réalisateur polonais "pour sa curiosité et son travail". Gilles Jacob a également salué l'homme emporté par le cancer à 75 ans, signant le tweet suivant : "cinéaste libre/avant garde/caméra frénétique et érotisme survitaminé/Zulawski était aussi poète/écrivain/philo. Héritier Wajda/autre révolté!"
Si Sophie Marceau, qui a partagé sa vie pendant 17 ans (avec un enfant à la clé, Vincent) et jouant dans quelques-uns de ses films (L'amour braque, La Fidélité...), est pour l'instant silencieuse, des acteurs français ayant tourné sous sa direction se sont exprimés, à l'instar de Francis Huster. Le comédien, invité sur France Info, a livré un hommage enflammé et passionné, avouant qu'il devait "beaucoup" à Zulawski. "Je ne me serais jamais rapproché de personnages que je n'aurais peut-être jamais interprété comme Richard III ou Hamlet", a-t-il dit, ajoutant que le cinéaste "poussait les acteurs à une modernité dans le jeu et à une cruauté inégalable" et avait "30 ans d'avance" sur ses confrères. Selon lui, ses films étaient "écorchés vifs". "Zulawski disait souvent que l'acteur est une braise et le metteur en scène était là pour souffler cette braise et incendier l'acteur. Aucun des comédiens qui a tourné avec lui n'est sorti sans blessure ou sans cicatrice", a-t-il ajouté.
Isabelle Adjani pourra le confirmer, elle qui a livré une de ses plus mémorables performances devant la caméra du Polonais, dans le sulfureux et hantant Possession. Contactée par l'AFP, l'actrice française a salué avec émotion un metteur en scène "fasciné par l'aspect inique et mystique des relations intimes entre ses personnages". "Il cherchait à filmer ses acteurs, pris dans son vertige visionnaire", a-t-elle déclaré.
C'est une grande perte pour le cinéma polonais et mondial
Sa patrie lui a également rendu hommage, et notamment son mentor Andrzej Wajda, réalisateur polonais dont il avait été l'assistant dans les années 60. Selon le légendaire cinéaste, Zulawski "avait joué un rôle décisif" dans son choix de tourner La Terre de la grande promesse, un de ses films cultes. "Sans lui, je n'aurais jamais fait ce film. Zulawski, que j'ai toujours écouté avec attention, était un homme très cultivé. Ses années parisiennes lui ont donné une formation qu'il n'aurait pu trouver en Pologne", a assuré celui qui s'impose pourtant comme le plus célèbre cinéaste polonais.
"C'est une grande perte pour le cinéma polonais et mondial", a également déclaré Janusz Wroblewski, critique de cinéma pour qui "Zulawski a été un réalisateur très radical et novateur pour son époque". "Il a su élaborer son propre langage, très personnel et original. Il était provocateur en brisant de nombreux mythes polonais. Et il a introduit l'érotisme dans ses films", a-t-il décrit selon l'AFP.