Parti de rien et arrivé au sommet, Ivan Ljubicic a définitivement rangé ses raquettes de tennis ce dimanche 15 avril.
Le Croate de 33 ans a en effet tiré sa révérence lors du tournoi de Monte-Carlo où il réside avec sa famille. Avec son départ, le circuit ATP perd l'un de ses personnages charismatiques, grande gueule et reconnaissable entre tous avec son crâne rasé. Mais alors qu'il pointait encore à la 42e place mondiale, le vétéran du circuit a décidé de dire stop. Ou plutôt c'est son corps qui a parlé, comme il le confie à l'Équipe. Une interview dans laquelle, une fois de plus, l'ancien numéro 3 mondial vainqueur de la Coupe Davis en 2005 ne mâche pas ses mots.
"Je viens d'avoir un deuxième enfant et j'en avais assez d'obliger ma famille à bourlinguer avec moi. Mais c'est surtout mon corps qui ne peut plus me suivre", confie-t-il en riant. Ivan Ljubicic revient ainsi sur l'émotion et les larmes qui l'ont saisi à la fin de son match, lorsqu'il a tenté de rendre hommage à son entraîneur : "Quand j'ai réalisé que ma femme et Riccardo ne viendraient plus jamais me voir jouer, j'ai craqué. C'étaient les plus belles larmes de ma vie."
Si le match est anecdotique, une défaite cinglante face à son compatriote Ivan Dodig (6-0, 6-0), l'après-match fut bien plus intense : "En fait, le plaisir, je l'ai eu après, quand je suis retourné au vestiaire et que les joueurs m'ont fait une standing-ovation. J'avoue : j'étais un peu fier. C'était beau." Et pour en arriver là, être un joueur respecté et apprécié, "un ami cher" pour Roger Federer, un "professeur" pour Novak Djokovic, Ivan Ljubicic a "fait un long voyage, de zéro à l'homme [qu'il est] devenu".
Un homme rescapé de la guerre en ex-Yougoslavie qu'il a quittée avec sa mère et son frère. "C'est la réalité. Quand vous avez 12 ans et que vous êtes réfugié parce que votre pays est en guerre, quand vous n'avez pas un sou, plus de toit, quand vous traversez la Slovénie et la Hongrie en bus, avec votre mère et votre frère, sans savoir où vous allez et sans savoir si votre père vit encore, c'est le néant."
S'il était connu pour son jeu résolument tourné vers l'attaque, Ivan Ljubicic se distinguait également par son franc-parler. Et le Croate ressort en conférence de presse deux anecdotes, notamment, qu'il n'est pas près d'oublier... Il évoque ainsi l'US Open en 2003 après une défaite contre Andy Roddick : "J'ai dit que je n'aimais pas sa façon de se comporter sur le court et que, d'ailleurs, personne ne l'aimait sur le circuit." Manque de chance, le tournoi est suspendu à cause de la pluie et la presse ne parle plus que de cette polémique. Les deux hommes cependant s'expliquent par la suite et règlent leur différend. Mais en 2006 à Roland-Garros, il remet ça en s'en prenant cette fois-ci à Rafael Nadal contre qui il avait perdu en demi-finale. "J'ai dit que j'espérais que Federer battrait Nadal en finale, ajoute-t-il. Et que tout le vestiaire pensait comme moi. Ce n'était pas une chose à dire." Conclusion : "Règle n°1 : n'allez jamais en conférence de presse trop vite quand vous avez perdu. Prenez une douche, buvez un verre, redescendez..."
Et si Ivan Ljubicic ne participera plus aux tournois officiels, il compte bien rester dans le petit monde de la balle jaune, les rumeurs l'annonçant comme représentant des joueurs auprès du Board. Des joueurs qui ne sont pas épargnés par le Croate, alors que ces derniers menacent de boycotter Roland Garros : "Ce qui me hérisse le poil, c'est d'entendre les joueurs pleurnicher sur le calendrier alors qu'ils vont jouer six ou sept exhibitions par an. Je leur dis : 'Le problème, c'est pas le calendrier, c'est toi ! Tu as du temps pour te reposer, tu ne l'utilises pas et tu voudrais empêcher les autres de jouer toute l'année.' Certains joueurs n'ont aucun sens des responsabilités."
Décidément, Ivan Ljubicic risque de manquer dans un circuit masculin bien lisse...