Roland Garros aura-t-il lieu cette année ? A quelques semaines de la levée française du Grand Chelem (du 22 mai au 10 juin), les internationaux de France sont en effet sous la menace d'une grève des joueurs.
Leur revendication ? Une meilleure redistribution des gains et une augmentation de la dotation des tournois du Grand Chelem en général. Si la menace plane depuis plusieurs mois maintenant, il semblerait qu'elle soit un peu plus concrète, comme le rapporte le journal L'Équipe.
Une meilleure répartition financière
Mené par l'Ukrainien Stakhovsky (71e mondial) et les Russes Tursunov et Youzhny (75e et 35e mondiaux), le mouvement réclamait une nouvelle répartition des gains engendrés par ces tournois, arguant du fait, que sans les joueurs, il n'y aurait pas de grands tournois. Et pour se faire entendre, ils n'hésitent pas à menacer Roland Garros d'un boycott. Une revendication qui n'est autre qu'un nouvel aspect de la colère trop longtemps contenue des joueurs, qui s'estiment traités comme des pions par les organisateurs des grands tournois. L'US Open 2011 en avait déjà été un révélateur, Andy Murray, Andy Roddick et Rafael Nadal étant alors montés au créneau pour dénoncer les conditions inacceptables dans lesquelles ils avaient dû jouer pour des raisons financières.
Mais cette fois-ci, la colère des joueurs, têtes de série comme seconds couteaux, semble être bien plus expressive. D'autant plus depuis que quatre joueurs se partagent l'essentiel des gains en tournoi : Novak Djokovic, Rafael Nadal, Roger Federer et Andy Murray. Et curieusement, ce sont ces quatre-là qui se montrent les plus remuants, mais peut-être pas pour les raisons auxquelles on pourrait s'attendre. Point de philanthropie de la part de ces joueurs. Mais simplement le constat, selon eux, que si les Grands Chelems gagnent autant d'argent, c'est essentiellement grâce à eux. Il serait donc temps de partager les gains, et avec les autres joueurs aussi, tant qu'à faire.
Le rôle trouble de Roger Federer
Et les joueurs ne s'y trompent pas, à l'image de Segueï Stakhovsky qui dépense pour 64 300 euros en billets d'avion chaque année pour des gains à peine supérieurs. "Si on se compare aux quatre-cinq meilleurs en tennis, on n'existe pas ! Les contrats, les équipements, c'est tout pour eux. Les grandes entreprises font comme si elles n'avaient que besoin d'eux", avance-t-il, précisant que le 100e joueur mondial gagne moins bien que sa vie que son équivalent en foot ou en golf... Et si le président des joueurs n'est autre que le Roi Roger, l'Ukrainien ne porte pas forcément le Suisse dans son coeur :"C'est une bonne personne, mais trop neutre à mon goût. Trop suisse. Quand les joueurs veulent changer quelque chose, il regarde ça de manière trop passive parce qu'il ne veut pas abîmer son image. Il ne veut pas parler publiquement des problèmes. Parce que si éclate le scandale d'une grève en Grand Chelem, son nom pourrait être attaché à ça. Nadal supporte plus ouvertement l'intérêt des joueurs et je le respecte pour ça."
Conséquence, et après plusieurs réunions avec les patrons des Grand Chelem, la dotation de Roland Garros a augmenté de 7% par rapport à l'année dernière, pour un total de 18 718 000 euros, dont 20% juste pour le premier tour. Les premiers éliminés partiront donc avec un chèque de 18 000 euros contre 15 000 euros l'an dernier, soit une augmentation de 20%. Pour calmer le jeu. Mais les patrons des tournois ne comptent pas aller plus loin.
Le message de Guy Forget à Roger Federer
Car l'argent engrangé par les fédérations qui organisent ces tournois sert essentiellement à rémunérer l'encadrement technique ainsi que le réseau régional de la Fédé. Une grosse redistribution mettrait ainsi en péril le modèle créé depuis des années. Et ce serait également oublier que les Grands Chelems sont de formidables vitrines publicitaires pour les joueurs...
Mais aujourd'hui, la grève n'est qu'une lointaine hypothèse. Novak Djokovic, Rafael Nadal et Andy Murray pour diverses raisons n'ont aucun intérêt à voir le tournoi annulé. Dans la coulisse, c'est donc Roger Federer qui s'anime et porte haut les revendications, même s'il ne fait pas l'unanimité, ses motivations restant obscures (gain de popularité, image de marque, avidité financière...).
Alors en attendant une prochaine réunion prévue à Madrid, Guy Forget, nouveau bras droit du président de la Fédération, prévient : " Je ne crois pas à la grève. Le positif, c'est que les Grands Chelems ont décidé d'écouter les joueurs de l'ATP, car les revendications de certains sont parfois légitimes. Mais les joueurs ont besoin de Roland Garros pour leur rayonnement planétaire et leurs contrats. Dans ces tournois, ils seront toujours payés cinq ou six fois plus que sur les autres pour le même temps passé sur le terrain."
Avant de poursuivre : "Les Grands Chelems seront là dans quinze ans, quand les plus grandes stars d'aujourd'hui auront disparu, et pour certains ça va arriver vite..." Roger Federer appréciera.