La décision a été rendue le 21 août dernier par un tribunal d'appel californien et constitue peut-être l'épilogue d'une histoire qui dure depuis quinze ans. Et elle vaut son pesant de dollars : plus de 600 millions, soit un peu moins de 540 millions d'euros. Une fortune !
Tel est le prix auquel a été estimé une partie du catalogue des oeuvres de Michael Jackson, qui a été vendue par les exécuteurs testamentaires en charge de régler la succession. Mais comme les héritiers n'étaient pas tous d'accord pour céder les droits de ce trésor artistique, la justice a dû intervenir... Et la scène n'est pas très belle à voir, puisque, si l'on résume cette affaire, c'est une bataille entre des petits-enfants et leur grand-mère qui les a élevés, avec de terribles choses à gérer, qui s'est livrée dans les tribunaux...
L'affaire débute en février 2023, lorsque la presse américaine révèle que le groupe Sony Music serait en pourparlers pour racheter 50 % du catalogue musical du roi de la Pop, dont on vient d'apprendre que la mort présentait d'étranges similitudes avec celle de Matthew Perry. Chaque année, les innombrables diffusions des tubes de Jackson engendrent des sommes phénoménales. Selon des calculs effectués par nos confrères : entre 2020 et 2023, les masters enregistrés par l'artiste ont généré en moyenne près de 35 millions de dollars de revenus annuels. Jackson étant propriétaire de ses masters, qu'il a vraisemblablement récupérés auprès de Sony dans les années 1980 ou au début des années 1990 en échange de la signature de nouveaux contrats d'enregistrement, c'est à lui que reviennent ses revenus. En l'occurrence, à ses héritiers.
Mais ce n'est pas tout : l'édition de ces enregistrements, les samples ou les reprises génèrent quant à eux 12,2 millions de dollars. Au total, les revenus combinés des masters et de l'édition de Jackson s'élèvent à environ 47,2 millions de dollars par an. Sachant que la loi américaine sur le droit d'auteur protège les oeuvres créées après le 1er janvier 1978 pour la durée de vie de l'auteur plus 70 ans, on réalise l'ampleur des bénéfices sur le long terme.
Si l'on ajoute à ces sommes mirobolantes les droits d'exploitation des chansons de Jackson dans les spectacles, comme celui du Cirque du Soleil à Las Vegas, ou de la comédie musicale MJ à Broadway, les futurs biopics, sans parler d'un catalogue annexe que Jackson avait acquis et qui comporte un millier de chansons parmi lesquelles des hits monstrueux comme Great Balls of Fire de Jerry Lee Lewis ou When a Man Loves a Woman de Percy Sledge, on saisit l'immensité du tas d'or sur lequel la famille Jackson est assise : plus de deux milliards de dollars d'après le média américain Billboard.
Suivant les adages "on ne sait jamais de quoi demain sera fait" et "un tiens vaut mieux que deux tu l'auras", Prince, Paris et Blanket, qui se fait désormais appeler Bigi, les trois enfants de l'artiste, ont donc décidé de ne pas s'opposer à la vente à Sony.
Et l'info est tombée en février dernier. Désigné comme "la plus grosse vente sur le marché des catalogues musicaux", le deal entre Sony et ce que l'on a coutume d'appeler "la succession Jackson" était enfin signé, permettant au géant de l'industrie musicale de s'approprier les droits de Beat It, de Bad, mais aussi ceux de la comédie musicale MJ ainsi que du biopic dont la sortie est prévue pour 2025. Aux héritiers, le jackpot : entre 600 et 900 millions selon les estimations.
Problème ? Katherine, la maman de Michael, qui a fêté ses 94 ans en mai dernier, devenue passablement parano, ne l'entendait pas de cette oreille. Elle assurait qu'avant sa mort en 2009, Michael aurait dit aux membres de sa famille qu'il voulait que les biens de la succession restent dans la famille à perpétuité. Un argument qui, aux yeux des juges, ne tient pas puisque c'est le testament du chanteur, et lui seul, qui fait foi. Or, selon le tribunal, "le testament donnait aux exécuteurs testamentaires de larges pouvoirs de vente, sans exception pour les actifs spécifiques en cause dans cette affaire".
Selon le testament de Michael, qu'avait contesté sa soeur, l'ensemble de ses biens doit revenir au Jackson Family Trust, dont les bénéficiaires sont ses trois enfants, Prince, 27 ans, Paris, 26 ans, et Bigi, 22 ans, ainsi que des organisations caritatives. Quant à leur grand-mère, Katherine, elle est bénéficiaire jusqu'à sa mort d'une partie de l'argent afin de couvrir ses "soins, son soutien, son entretien, son confort et son bien-être". Or, en mars dernier, des documents juridiques avaient révélé qu'elle avait déjà touché à ce titre plus de 50 millions d'euros en 15 ans. C'est d'ailleurs à ce moment-là que Bigi, 22 ans, avait saisi la justice pour empêcher sa grand-mère d'utiliser les fonds de la succession pour ses combats judiciaires.
Désormais, les choses sont claires. Katherine a perdu, et la vente à Sony va être validée, comme l'a confirmé le tribunal d'appel le 21 août dernier. Dans cette affaire complexe, la grand-mère avait néanmoins reçu le soutien moral de Paris. La fille unique du roi de la Pop, de plus en plus belle et stylée était apparue à ses côtés lors d'une audience, mais à l'inverse de sa grand-mère, elle ne s'opposait pas à la vente à Sony.
Si cet imbroglio s'achève, la succession du chanteur n'est pas réglée pour autant... Depuis 15 ans, et bien que de jolies sommes aient déjà été perçues par les ayants droit, le plus gros de l'héritage est encore bloqué. En cause : des désaccords avec le fisc américain, qui estime que le prix global de la succession a été sous-évalué. Les héritiers pourraient avoir à verser 700 millions de dollars dans les caisses de l'État pour débloquer la situation. La vente, désormais acquise, du catalogue à Sony pourrait les y aider...