Le 28 février, le cinéaste iranien Jafar Panahi, scandaleusement et lourdement condamné par la justice de son pays, a effectué sa première sortie publique depuis le mois d'août 2009 : il avait décidé de se rendre à la Maison du Cinéma à Téhéran pour rendre hommage à l'équipe du film primé au dernier festival de Berlin, Une séparation, de son compatriote Asghar Farhadi. Dans un entretien, le premier depuis sa condamnation, publié par la revue française La Règle du jeu - fondée par le philosophe Bernard-Henri Lévy, un de ses plus fervents soutiens en France -, le réalisateur du superbe Cercle a expliqué qu'il ne souhaitait pas quitter son pays et être en exil : "Ma place est ici", déclare-t-il à Téhéran à Jean-Louis Martinelli, directeur du Théâtre français des Amandiers, à Nanterre.
Jafar Panahi, 50 ans, s'est vu au mois de décembre infliger une peine de six ans de prison assortie d'une interdiction de réaliser des films, de donner des interviews et de quitter le pays pendant vingt ans, par la justice de son pays. Il est accusé d'avoir soutenu le candidat d'opposition Mirhossein Moussavi au scrutin présidentiel contesté de 2009, d'avoir réalisé un film sans autorisation et d'avoir encouragé des manifestations d'opposition après l'élection. Il est actuellement en liberté sous caution et a fait appel, attendant à Téhéran, où il est assigné à résidence, de la décision de justice, et risquant à tout moment de retourner en prison.
"En tant que cinéaste, je veux et je dois filmer l'Iran et les Iraniens dont je connais la façon de penser [...]. Je ne fais pas de films politiques, mais des films qui parlent de la réalité sociale", se défend-il. "Que je le veuille ou non, je suis devenu malgré moi un symbole. Si je partais, tout le sens de mon travail serait perdu. [...] Parlez, écrivez, témoignez de la façon dont vous pouvez et souhaitez le faire, c'est une des conditions de ma survie", ajoute-t-il, n'ayant pas peur des représailles. Il réfute par ailleurs tout excuse à l'égard du pouvoir.Dans son entretien, Jafar Panahi revient également sur les motifs de son arrestation : "Ma condamnation a été établie à partir de mes propos. Au motif que j'étais en contact avec des personnes opposées au régime et que je pouvais donc être considéré comme un activiste dangereux", indique-t-il.
Concernant sa famille, il déclare : "Mon fils est étudiant à l'université de cinéma et n'a pas le droit de passer ses examens. Ma fille a pu récemment partir en Europe pour suivre des études de littérature."