En 1984, Jean-Louis Aubert, avec Téléphone, rêvait notoirement "d'un autre monde", chimère rageusement désavouée. Plus d'un quart de siècle après, l'âge et la solo-itude aidant, le chanteur à la voix à vif a retrouvé le goût des utopies : cinq ans après Ideal Standard, album superbement humain et splendidement ambitieux artistiquement, Aubert, 55 ans, sort un nouveau son à d'une bluffante zénitude apparente : Demain sera parfait, premier single d'un album à paraître le 29 novembre et baptisé Roc éclair.
D'aucuns ne manqueront pas de percevoir dans ce seul titre un clin d'oeil au serpent de mer "téléphonique" : le désir brûlant des fans de voir un jour le groupe culte des années 1980 se reformer doit en effet, pour l'heure comme durant les dernières années, se contenter d'un futur très hypothétique... Nouvelle saillie de la rumeur de come-back, au mois de septembre : mais, comme quelques semaines auparavant, les intéressés ont rapidement "clarifié" la situation - du moins la situation immédiate. "Pour le moment et pour au moins les trois prochaines années, j'ai d'autres chats à fouetter et Jean-Louis Aubert a lui aussi beaucoup de travail", assénait ainsi Louis Bertignac, lequel vient de créer la sensation en Nouvelle-Calédonie, avec trois concerts pour son premier passage depuis... Téléphone !
De son côté, Jean-Louis Aubert s'est calmement déclaré, depuis un certain temps déjà, volontaire pour des retrouvailles avec Louis et son grand complice Richard Kolinka, à condition qu'une démarche de création soit à l'oeuvre, pas un simple jubilé. Bilan des courses : on reparlera de tout cela à l'approche de 2013. Seule certitude : c'est quelque chose à faire absolument "avant de mourir", ont signalé les intéressés.
Fort de cette certitude, le public peut se concentrer sur les productions du sieur Aubert, l'écorché positif. L'artiste nous a régalés avec son sens mélodique et ses textes urgents mais pas précipités, depuis une décade marquée par les albums Comme un accord et Idéal Standard, mais aussi la superbe tournée Un tour sur moi-même.
Magiquement zen et optimiste dans, par exemple, le morceau très sophro Jette une pierre paru sur l'album Premières prises, Jean-Louis Aubert confirme ces dispositions d'esprit avec Demain sera parfait (en écoute sur son MySpace - cliquez ici), morceau majeur de bout en bout à la couleur musicale étonnante : le charme désuet d'une pompe au piano, qui fait danser une ligne de basse (pattern d'école !) en surface, un son chaudement "dirty" peuplé de bruits de fond, parasites et effets de chant autour du feu de camp, une boucle mélodique aux airs de ritournelle avec cette résolution qui fait comme un écho au "Et puis-je-fume" du hit de Pink Martini Sympathique ("Je ne veux pas travailler"), lui aussi insouciant et désinvolte.
Place à la thérapie de groupe, avec Jean-Louis Aubert : "Je veux chanter/Je veux te faire oublier/Ton âme en peine/Ton manque de veine/Je veux chanter/Et te baratiner/Demain sera parfait". Plus loin, c'est sur "les décombres de notre monde" qu'on danse : "les pugilats, les combats, les arguments à deux balles", etc., tout ce qui est "pour les radios matinales", on l'oublie et on danse "sur les braises". Aubert, lui, le fait comme un "derviche balèze". Une invitation à l'oubli et à l'insouciance, loin des bruits du monde, à suivre impérativement.
Guillaume Joffroy