C'est ce qu'on appelle un coup de foudre... À la fin des années 2010, à Paris, lorsqu'ils se rencontrent pour la première fois chez un ami commun, la comédienne chinoise Gong Li et Jean-Michel Jarre éprouvent aussitôt la même impression : "Nous avons immédiatement eu le sentiment de nous trouver, ou plutôt de nous retrouver, l'étrange impression de nous connaître depuis très longtemps, raconte le compositeur à Paris Match en octobre 2019. J'étais en pleine tournée " Electronica ", de passage en France entre les concerts de Londres et de Stockholm. Li est repartie avec moi, tout naturellement, s'intégrant à l'équipe comme si elle en faisait partie depuis toujours."
Sept mois plus tôt, le 25 mars 2019, lors d'un dîner au palais de l'Élysée honorant la venue à Paris du président chinois Xi Jinping, le couple était apparu publiquement pour la première fois ensemble. Deux artistes et en fin de compte, deux immenses stars. Car si la notoriété de Jean-Michel Jarre qui a joué dans le monde entier, devant des millions de personnes, n'est plus à démontrer, celle de Gong Li dépasse et de loin les frontières de la Chine où elle a vu le jour. Mais qui est vraiment celle qui a succédé à Charlotte Rampling, Isabelle Adjani et Anne Parillaud dans le coeur du musicien Français, qui fête ce samedi 24 août son 76e anniversaire ?
Celui qui en parle le mieux, avec une fierté non dissimulée, c'est lui, bien sûr. "Gong Li est une légende en Chine, c'est à travers elle que le monde a pris conscience de l'importance du cinéma chinois. L'hôtel Carlton, à Cannes, ne s'y est pas trompé. Dans le hall, il y a trois photos d'actrice : Greta Garbo, Marlene Dietrich et Gong Li", résume Jean-Michel Jarre dans Match à son propos.
Gong Li est donc née en Chine il y a cinquante-huit ans. Elle est la plus jeune d'une famille de cinq enfants. Père professeur d'économie, mère enseignante, enfant, elle aime chanter, danser et rêve d'une carrière dans la chanson. En 1985, à 20 ans, elle intègre l'Académie centrale d'art dramatique de Pékin. C'est là que le grand réalisateur Zhang Yimou va la découvrir et lui offrir son premier grand rôle dans Le Sorgho rouge, film qui la révèle à la Chine, et au monde. Son destin est tracé, elle ne sera pas chanteuse mais actrice. Et Zhang Ymou, mentor, tuteur et pygmalion sera le premier homme de sa vie. Son amant, en réalité, car il est marié à une autre femme.
Il la fera tourner dans ses plus grands films : Epouses et concubines, en 1991, Vivre, en 1994, des longs métrages qui vont lui permettre de fouler les tapis rouges des plus grands festivals de cinéma, à Berlin ou la Mostra de Venise dont elle présidera même les jury. À Cannes, sa première destination hors de Chine alors qu'elle n'avait que 25 ans, elle a toujours ses entrées. Elle y était encore en 2023, au bras de Jean-Michel Jarre.
Les succès de cette sublime femme asiatique lui ouvrent aussi grand les portes d'Hollywood. Elle jouera dans Mémoires d'une geisha de Rob Marshall en 2005, dans Miami Vice de Michael Mann en 2006 ou encore dans le prequel Hannibal Lecter : Les Origines du mal. L'actrice s'offrira même le luxe de refuser le rôle de James Bond Girl qui lui est proposé dans Demain ne meurt jamais en 1997 au motif que "L'écriture des personnages féminins n'était pas suffisamment complexe" pour lui donner matière à s'exprimer. "J'ai toujours privilégié des rôles de femmes de caractère, joué le registre de la résistance. C'est loin des clichés d'une Chinoise forte en arts martiaux, finissant par succomber à 007", avait-elle expliqué.
Femme de caractère, elle l'est assurément. Après 10 ans passés avec son réalisateur fétiche, elle le quitte pour tomber dans les bras d'un riche entrepreneur singapourien de quinze ans son aîné. Il se nomme Ooi Hoe Seong, et dirige une grosse société de tabac. Elle décide de l'épouser et de prendre sa nationalité, ce qui lui vaudra d'être très critiquée et traitée de "traîtresse" en Chine. En 1996, lors d'une cérémonie civile qui se déroule dans la plus grande discrétion à Singapour, elle dit oui à cet homme d'affaire dont la fortune serait évaluée à plusieurs millions d'euros.
Mais d'un point de vue financier, Gong Li n'a a priori rien à lui envier... À la fin des années 90, la comédienne a notamment signé un contrat historique de cinq ans avec le géant français des cosmétiques L'Oréal, devenant ainsi la première égérie asiatique de l'entreprise. Elle a également été l'ambassadrice de Chopard et de 2013 à 2018, l'égérie mondiale du joaillier et horloger suisse de luxe, Piaget. En 2021, elle devient aussi la première artiste chinoise à devenir l'ambassadrice mondiale de la haute joaillerie pour Cartier qui salue ainsi son arrivée dans un communiqué : "Talentueuse et déterminée, avec une approche à la fois passionnée et libre, l'actrice reflète les valeurs fondamentales de la Maison."
Libre... d'aimer et de ne plus aimer. En 2012, interrogé par un journal Chinois, Ooi Hoe Seong explique qu'il n'est plus avec son épouse depuis trois ans. "Nous avons décidé de divorcer en raison de nos différences d'emploi du temps, explique-t-il. Comme elle est actrice, elle doit souvent se rendre à l'étranger pour des tournages, alors que je suis un homme d'affaires qui doit également voyager pour son travail. Nous sommes tous les deux presque toujours dans des pays différents". Dans ce même entretien, l'homme d'affaires avait balayé de la main les rumeurs selon lesquelles Gong Li aurait eu une longue liaison avec un cameraman français beaucoup plus jeune qu'elle...
Si ce n'est un caméraman plus jeune, ce sera donc un musicien plus âgé. Avec Jean-Michel Jarre, entre la Chine et la France, entre Paris et Saint-Tropez, les deux artistes promènent leur amour et se soutiennent mutuellement, comme lorsque après ce deuil, ils étaient partis en vacances ensemble. "Qu'il s'agisse de Pékin ou de Shanghai, au vu de la grande notoriété de notre couple, nous évitons dans la mesure du possible les lieux trop publics. Nous menons une existence plutôt simple, entourés d'un cercle d'amis de confiance." souligne Jean-Michel Jarre dans Paris Match.
Admiratif de sa nouvelle compagne, avec qui il confie vouloir se poser pour de bon, le compositeur loue son indépendance et la liberté de la femme moderne chinoise. "J'ai beaucoup de chance, confie-t-il, de partager ma vie avec une femme dont j'admire la bonté, qui est capable de s'intégrer partout en dépit des barrières linguistiques, sociales, culturelles. C'est très rare, une telle ouverture d'esprit, une telle sérénité."
Entre-eux, Jean-Michel et Li se parlent en anglais. Mais le génial compositeur, déshérité par son père, avoue que souvent, ils se contentent d'échanger des silences. "Avec Li, conclut-il dans cette interview accordée à Paris Match, j'ai découvert qu'on pouvait se comprendre sans forcément passer toujours par les mots... ce qui est d'autant plus précieux pour quelqu'un comme moi, qui, toute sa vie, a composé la plupart du temps de la musique sans paroles !"