Le mariage express de Bernard Lavilliers avec une célèbre bodybuildeuse : "Pas qu'une gonzesse qui faisait de la musculation"

"Nous étions jeunes et larges d'épaules..." Lorsqu'il chante les premiers mots de sa chanson On the road again, en 1988, Bernard Lavilliers, à 42 ans, n'est déjà plus tout jeune ; en revanche, ses épaules sont encore bien larges. Et pour cause, il sort d'une période où la musculation et le culturisme ont pris une grande place dans sa vie, puisqu'il était marié à... une bodybuildeuse. Elle l'avait incité à travailler son corps comme l'aurait fait un sculpteur. Il en gardera longtemps l'image d'un chanteur en débardeur aux biceps saillants.

Le temps a passé. Bernard Lavilliers, avec son célèbre anneau porté à l'oreille, fête ce lundi 7 octobre ses 78 ans. S'il porte toujours haut sur scène ses textes engagés, lui qui se produira fin octobre dans le cadre du festival Nuits de Champagne, à Troyes, côté coeur, il s'est assagi. Il vit depuis vingt-cinq ans avec Sophie Chevallier, une graphiste et sculptrice dont il est tombé sous le charme en Martinique en 1996 avant de l'épouser en 2003. Cette artiste a travaillé avec lui en devenant sa maquilleuse ou même en illustrant des pochettes de ses disques, mais c'est surtout en arpentant le monde que ces deux êtres ont bâti leur histoire d'amour. "J'ai besoin que Sophie vienne me retrouver, pour partager tout cela avec elle. Ce sont aussi les voyages qui ont construit notre couple", affirmait-il à Paris Match en 2019.

Dès 2001, le chanteur écrivait pour elle un titre en guise de déclaration. "Mon tendre amour venu du large, Ma moitié d'ombre dans la marge, Mon grand secret aux rites étranges, Ma courtisane au regard d'ange, Ma dernière femme aux yeux très clairs, Mon rêve où va mourir la mer." Le morceau, intitulé Ma dernière femme, pouvait se lire comme un hommage à sa dernière compagne, celle qu'il venait alors de conquérir. Force est de constater, 23 ans plus tard, que Sophie est toujours là, affrontant même les épreuves compliquées de son mari. Ce sera peut-être, bel et bien, sa dernière épouse.

Il en a eu trois avant elle. Et son histoire avec la seconde, Lisa Lyon, aura été aussi brève qu'intense...

Début de l'année 80. Comme beaucoup de Français et comme certains artistes à l'image de Johnny Hallyday à l'époque, Bernard Lavilliers découvre la musculation. À Paris, il fréquente les salles où se soulèvent des poids, et c'est sur un poids lourd de la discipline qu'il va tomber par hasard, ainsi que le raconte le journaliste Michel Kemper, auteur en 2000 de la biographie Les vies liées de Bernard Lavilliers, sur le site Nos enchanteurs. Elle s'appelle Lisa Lyon, elle a 27 ans, est née à Los Angeles où elle réside et vient de remporter le titre de championne du monde de bodybuilding. Mais la jeune femme n'est pas qu'une machine à soulever de la fonte, elle qui est capable de porter deux fois et demi son propre poids. Elle se veut aussi l'incarnation d'une nouvelle féminité...

"Dans les années 50, vous aviez des femmes comme Marilyn Monroe, qui n'étaient que des objets sexuels. Dans les années 60, vous aviez Twiggy, qui inaugura le style famélique, androgyne. Dans les années 70, vous aviez Farrah Fawcett. Maintenant, au coeur des années 80, ce qui compte, c'est d'avoir un corps en bonne santé", confiait-elle au Washington Post en 1981. "Les femmes façonnent leur corps sans sacrifier la beauté ou la féminité. (...) Je pense que je représente une vraie tendance. Je n'ai pas participé à un énième sujet vain et insignifiant du genre : 'Mesdames, vous voulez être en forme pour l'été ?' Ça, on n'en peut plus".

Une femme qui parle bien, qui parle cru, qui promeut la beauté d'un corps nouveau et qui le montre, nue. En cette même année 1981, elle affiche ses courbes dessinées en couverture de Playboy, immortalisée par l'objectif d'Helmut Newton, pour qui elle pose, comme elle posera à d'innombrables reprises et souvent dans le plus simple appareil pour Andy Warhol ou Robert Mapplethorpe. "Pour moi, c'est une sculpture, j'invente une sculpture avec un appareil photo", confiait ce dernier à propos de son modèle, des mots qui feront écho à cette réflexion de Lavilliers : " À cette époque, je vivais avec une statue, une statue de bronze...".

Cette femme qui arrive dans sa vie sans crier gare va lui faire oublier celle avec qui il vit depuis des années, Evelyne Rossel, avec qui il a eu deux enfants, Virginie, en 1972, et Guillaume, en 1975. " À cette époque de ma vie, j'étais assez désabusé. J'ai eu un rapport physique, quasi animal, avec Lisa. Et cette histoire a compté pour moi au point que j'ai quitté Evelyne", affirmait-il, cité par Michel Kemper.

C'est ainsi que le fils d'ouvrier de Saint-Étienne va se retrouver avec le gratin d'Hollywood aux côtés de sa belle au corps de déesse. Elle y fréquente Bruce Springsteen, Roman Polanski, Jack Nicholson ou encore Arnold Schwarzenegger qui, en 1980, vient de remporter son septième titre de Mr Olympia, celui de plus beau culturiste du monde.

Invité au mois d'août dernier de l'émission Le monde d'Élodie, sur France Info, Bernard Lavilliers était revenu sur cette période aux États-Unis. "Là-bas, elle connaissait le patron du Village Recorder, elle connaissait Marlon Brando, enfin c'était pas qu'une gonzesse qui faisait de la musculation uniquement. C'était une intellectuelle, très intellectuelle, sans doute plus que moi. J'ai appris beaucoup de choses sur la photo, sur l'art plastique...".

Sous le charme de cette femme à la tête aussi bien faite que le corps, Lavilliers décide de l'épouser, discrètement, en janvier 1981. Robert Mapplethorpe en fera un cliché, les représentant nus tous les deux. Mais leur histoire ne durera pas. Deux ans plus tard, ils se sépareront. La jeune femme aura néanmoins laissé une empreinte indélébile dans l'oeuvre de l'artiste puisqu'elle inspirera deux albums, Nuit d'amour, en 1981, et États d'urgence, en 1982.

À propos de cet oiseau de nuit passé fugacement dans sa vie, le chanteur écrira aussi Night Bird. "Night bird, ma seule histoire d'amour, Night bird, on se reverra un jour", chante Lavilliers, comme s'il pressentait déjà que l'histoire ne durerait pas. Lisa Lyon apparaît dans le clip de la chanson, nue, encore une fois...

En décembre 2013, interrogé par Télérama sur sa passion pour le culturisme, Lavilliers avait lâché ces mots : "Quant à ma femme, Lisa, qui était en effet championne du monde de culturisme, on en a fait une caricature. Je l'ai beaucoup aimée. (...) Pour elle, le culturisme tenait de la performance. Elle m'a fait découvrir des musiques et des photographes absolument incroyables. C'était cohérent avec ma vie."

Une vie qui s'est ensuite écoulée sans elle. Jusqu'à ce que la nouvelle de sa mort ne vienne rappeler cette histoire. Le 8 septembre 2023, l'information faisait le tour des médias aux États-Unis, où elle avait été une star. Lisa Lyon est morte à 70 ans, emportée par un cancer du pancréas.