A 84 ans, Jeanne Moreau est depuis bien des années entrée dans la légende du cinéma français. La muse de Truffaut dans Jules et Jim a connu un parcours semé d'embûches pour en arriver à ce statut. Une femme très naturelle, qui n'hésite pas à se raconter avec délice dans les pages de l'hebdomadaire Télé CinéObs, entre anecdotes de tournages et confessions sur sa vie privée. Elle qui sera prochainement à l'affiche d'une coproduction franco-belgo-estonienne réalisée par Ilmar Raag, Une Estonienne à Paris, s'est toujours donnée corps et âme à un cinéma qu'elle aimait. Loin du bling-bling.
Si elle a pourtant tourné aux côtés des plus grands (Truffaut, Welles, Buñuel), Jeanne Moreau n'a jamais vraiment profité, financière parlant, d'un statut de star sur un plateau de tournage. Elle raconte que pour le tournage de Jules et Jim (François Truffaut, 1961), elle évoque un moment "magique, ludique", une véritable "harmonie" alors qu'il y avait "très peu d'argent, tellement peu qu'il n'y a jamais eu d'ingénieur du son". Quand on sait que le film fait partie des classiques de la Nouvelle Vague, c'est une de ces légendes qui se bâtissent sur rien. Même lorsqu'elle traverse l'Atlantique pour toucher du doigt le rêve hollywoodien, c'est avec rien. Chez Orson Welles pour qui elle tourne Le Procès (1962) et Falstaff (1965), Jeanne Moreau raconte que le mythique réalisateur l'avait "payée avec une valise pleine de couverts en argent" qui étaient en vérité en vermeil. Un dévouement qui lui vaudra de nombreux prix dans sa carrière, dont celui d'interprétation féminine à Cannes en 1960 pour Moderato Cantabile et deux César d'honneur (1995 et 2008), preuve que la Dame est grande.
Refusant de s'avouer riche, Jeanne Moreau avoue avoir "tourné plein de films pour rien". "Il n'y a pas de petits rôles", confesse-t-elle lorsqu'on lui demande s'il en est certains dont elle serait particulièrement fière. Sa filmographie peut pourtant témoigner pour elle. Jeanne Moreau a tourné avec les plus grands, acteurs comme réalisateurs. "J'ai séduit beaucoup d'hommes, déclare l'actrice boulimique de cinéma. J'ai toujours été vers des hommes qui avaient du talent. Je n'ai pas eu des amants pour avoir des amants." Si elle garde des souvenirs encore frais des années 60 où elle charmait le cinéma français, elle n'en reste pas moins active aujourd'hui. Dès le 16 janvier prochain, elle sera sous la direction d'Amos Gitaï pour Lullaby to my Father, avant d'aller transmettre son savoir à Grégoire Leprince-Ringuet et Andy Gillet dans La Duchesse de Varsovie ou Lou Lesage dans Histoire d'une mère.
Interview intégrale à retrouver dans le supplément du "Nouvel Observateur", "Télé CineObs", du 22 décembre prochain.