"Incassable" certes, mais pas sans fêlures : Jelena Dokic, 34 ans, publie en ce mois de novembre 2017 son autobiographie, Unbreakable, détaillant notamment les coups et les humiliations que lui a fait subir de manière quasi quotidienne son père, Damir, dès l'âge de 6 ans. "Le pire père du monde du tennis", en résumé.
Le témoignage de l'ex-tenniswoman professionnelle, qui a atteint le 4e rang mondial (2002) et remporté six tournois en simple sur le circuit WTA avant de prendre sa retraite en 2014, fait froid dans le dos, alors que nombreuses sont les joueuses entraînées par leur paternel dans le monde du tennis féminin. Un schéma qui, dans son cas, a été un insoutenable chemin de croix. "Il me battait vraiment. Tout ça a commencé lors de mes débuts au tennis et ça a continué ensuite. Cela a augmenté de façon incontrôlable", relate-t-elle.
Ainsi recevait-elle des coups de ceinture en cas d'entraînement jugé mauvais par Damir Dokic, ou bien des coups de pieds dans les tibias, qui lui laissaient des ecchymoses ou la faisaient saigner. Des faits de maltraitance qui se doublaient d'abus émotionnels, Jelena s'entendant à l'adolescence qualifiée de "p*te", de "salo*e", selon des éléments de l'ouvrage révélés en avant-première par le quotidien The Daily Telegraph. L'Australienne née en Croatie d'un père serbe et d'une mère croate y partage aussi "la pire trempe" qu'elle se souvienne avoir reçue : "C'est vraiment un sale souvenir qui restera à vie... J'avais fini par m'évanouir. Il m'avait vraiment méchamment cognée", dit-elle à propos de la raclée infligée par son père à la suite de son élimination lors de l'Open du Maurier (Rogers Cup) au Canada en 2000. Elle avait alors 17 ans.
Quelques semaines plus tôt, Damir Dokic s'était fait exclure du tournoi de Wimbledon (dont Jelena avait atteint la demi-finale) pour avoir fracassé le téléphone d'un journaliste – Jelena, elle, avait atteint la demi-finale du tournoi du Grand Chelem, mais son père n'avait pas toléré que son parcours s'arrête là, faisant semblant de ne pas la reconnaître et lui interdisant de venir dormir à l'hôtel où logeait la famille. D'autres coups d'éclat figurent au passif du géniteur de la tenniswoman : il s'était ensuite fait virer de l'US Open après s'être emporté contre des membres du personnel au sujet du prix d'un repas, puis de l'Open d'Australie en janvier 2001 pour avoir dit que le tableau féminin avait été truqué au détriment de sa fille. En 2009, année du grand come-back de Jelena sur le circuit principal après plusieurs saisons difficiles, Damir, avec qui elle avait alors coupé les ponts, avait écopé d'une peine de 15 mois de prison (réduite à 12 mois en appel) pour avoir menacé l'ambassadeur d'Australie en Serbie avec une grenade.
En janvier 2009, Jelena Dokic avait confié lors d'une interview d'après-match à l'Open d'Australie n'avoir plus de contacts avec Damir et disait se concentrer sur ses relations avec sa mère Ljiljana, avec son petit frère Savo, de huit ans son cadet, et avec son petit ami depuis 2004, Tin Bikić, frère de son entraîneur (à partir de 2003) Borna Bikic. En 2006, Damir Dokic avait prétendu que Tin avait "kidnappé" sa fille, ce qu'elle avait démenti. "Bien sûr que non, ça n'a pas de sens. J'ai entendu mon père dire tellement de conneries, avait-elle réagi. Je me dois de le dire pour protéger mon petit ami, car il n'a jamais interféré ni dans ma vie privée ni dans mon tennis. Je ne parle plus à mon père, et très rarement à ma mère, par téléphone."
En 2011, elle disait toutefois avoir renoué avec lui. "Tin Bikic et moi-même lui avons rendu visite chez lui pour mettre fin à nos désaccords, expliquait-elle alors à Fox Sports. Cela été très difficile, il y a eu beaucoup de négativité, et j'avais également dit cette année encore que je ne lui parlerais plus jamais. Mais il faut pardonner et oublier pour avancer. Je suis heureuse d'être à nouveau avec ma famille. Je me sens bien. C'était très émouvant, parce que j'ai vécu beaucoup de situations difficiles avec mon père et ça n'était pas facile du tout. Il est vraiment différent maintenant, je suis plus âgée et je prends mes propres décisions."
Aujourd'hui, Jelena Dokic a tourné la page et cette autobiographie referme définitivement ce chapitre de sa vie, alors qu'elle en a entamé un autre, installée à Melbourne. Après avoir dû affronter un dysfonctionnement de la thyroïde qui l'a menée à peser jusqu'à 120 kilos (pour 1,75 mètre) et après en avoir perdu 30, elle s'est allégée des boulets du passé.