Laure Manaudou est en pleurs. Elle court dans les tribunes, descend les escaliers, fend la foule des photographes, enjambe la barrière, saisit le bras de son frère Florent et se jette dans ses bras.
Florent Manaudou, à la surprise générale, vient de s'adjuger le titre olympique sur 50m nage libre, devant la légende brésilienne Cesar Cielo, champion olympique et double champion du monde en titre, et le surprenant américain Cullen Jones qui lui, décroche l'argent. Le jeune nageur de 21 ans ne semble pas réaliser l'exploit, à l'inverse de sa soeur, qui ne peut contenir ses émotions. Plus heureuse que le vainqueur du jour Laure ? "Je le pense aussi, confiait le jeune homme. C'est comme ça. Quand je vois des membres de ma famille ou mes coéquipiers d'entraînement participer à une finale ou une demi-finale, je suis plus stressé. Quand ce n'est pas toi qui nages, tu ne peux rien maîtriser en fait. Elle m'a soutenu jusqu'au bout et ça a payé."
Mais personne n'attendait le Français à ce niveau de la compétition. Pas même lui : "En fait, mon objectif, c'était de rentrer en finale. Je l'avais dit après ma demi-finale, pour moi, la compétition était, entre guillemets, terminée." Résultat, Florent Manaudou est décontracté, et sort de la chambre d'appel sourire en coin, prenant le temps de saluer le clan français dans lequel ont pris place sa soeur Laure, Alain Bernard et Camille Lacourt, pendant que ses adversaires ont le visage fermé. "Je les voyais tous un peu stressés en chambre d'appel. Mais c'est plus facile en tant qu'outsider d'être décontracté" expliquera la jeune pousse un peu plus tard.
Pour l'heure, ce sont 50m à bloc qui attendent le cadet de la fratrie Manaudou, lui qui rêve tout de même d'un exploit - "on ne vient pas aux Jeux pour finir deuxième. Alors oui, j'ai rêvé plusieurs fois de finir premier"- et qui 22''34 plus tard touche du bout des doigts le Graal, grâce à une coulée parfaite qui lui donnera une avance suffisante pour résister au retour des poursuivants. Dans les tribunes, Laure Manaudou est en larmes après avoir encouragé tout du long son petit frère, eux qui avaient passé un pacte à Athènes en 2004 lorsque la sirène était devenue championne olympique : "On s'est dit, avec ma soeur, qu'on se retrouverait un jour ensemble, aux Jeux olympiques. C'est ce qui m'a donné envie de faire de la natation sérieusement. Quand elle a arrêté, j'ai pensé que notre rêve était mort et puis elle a choisi de revenir. Et mon envie a été multipliée."
L'image restera dans les mémoires, une étreinte éternelle entre une soeur et un frère en forme de passage de témoin. "Elle ne m'a pas dit grand-chose, poursuivait Florent. Juste qu'elle était très fière de moi. Il n'y a pas eu beaucoup de mots mais on a ressenti quelque chose de très fort." Devant leur télé, ses parents Olga et Jean-Luc sont aux anges. "C'est de la folie. Flo est champion olympique, notre petit bout d'un mètre quatre-vingt-dix-neuf. C'est une émotion intense", confiait le père au journal L'Équipe. Et à cette joie, le champion voulait y associer le grand absent de ces jeux, Frédérick Bousquet, compagnon de Laure et papa de leur petite Manon : "Il est en vacances en Espagne avec Manon mais il a dû regarder la course. Je lui dois beaucoup. J'ai énormément appris, essayant de lui ressembler tout en faisant mon propre chemin. Mais j'ai une grande pensée pour lui."
Les Jeux de Londres sonnent comme l'émergence d'une nouvelle génération pour la natation tricolore, avec les nouveaux visages médaillés d'or que sont Camille Muffat et Yannick Agnel. "Vous voyez bien qu'il y a des jeunes comme Yannick, Camille ou moi. C'est un peu un passage de témoin entre les plus anciens, que ce soit Amaury (Leveaux), Alain (Bernard), Hugues (Duboscq) et les nouveaux" analysait le prodige.
Et ce titre, ce résultat, c'est en partie grâce à sa soeur Laure, qui avait ouvert la voie en 2004 à Athènes que Florent le doit. "Le moment où ils se sont embrassés avec Laure, c'était intense, poursuit le papa Jean-Luc. Si elle a fait le choix, de venir à Londres, ça n'est pas pour elle, mais pour lui." Grand bien lui en a pris.