Depuis 2008, Lucie Décosse ne perd qu'un match par an... Un ratio incroyable pour cette judokate qui domine sa catégorie comme personne auparavant. Cette année, ce combat, elle l'a perdu en finale du Tournoi de Paris en février. L'or olympique lui était donc logiquement destiné. Et au bout d'une journée mémorable, un 1er août, la Française aussi discrète que talentueuse est entrée au panthéon des judokas, avec trois titres de championne du monde, quatre titres européens et désormais, donc, un titre olympique.
Une journée interminable, débutée dès potron-minet comme elle le raconte à L'Équipe : "J'avais mis mon réveil à 5h45, mais je me suis réveillée à 5h. J'étais bien, j'ai ouvert mon ordinateur et je me suis regardé une petite série américaine, Drop Dead Diva." Loin de son stress habituel, la jeune femme de 30 ans se sentait étrangement calme, à mille lieux de l'excitation qui l'habite généralement... "Pour la première fois de ma carrière, j'étais si calme, sans stress, ça m'a d'ailleurs fait peur parce que d'habitude, je suis hyperstressée et ça me réussit", confie-t-elle. Mais visiblement, cette absence de stress est tout aussi bénéfique pour elle, moins pour ses adversaires. Les combats s'enchaînent, et Lucie Décosse déroule, écoeure ses adversaires avec des ippons fulgurants, dont un très particulier en moins de 10 secondes face à la Colombienne Yuri Alvear, la seule à l'avoir fait tomber, en 2009 à Rio. "Quand j'ai vu comme je suis passée contre elle, je me suis dit, c'est pour toi", poursuit la championne olympique.
Un peu plus tard dans la journée, en finale, c'est l'Allemande Kerstin Thiele, passée tout prêt de l'étranglement à la suite d'une prise de soumission de la judokate tricolore, qui fit les frais de la technique de la Guyanaise. Un combat à sens unique, et une victoire qui fit s'écrouler la jeune femme, en pleurs, sur le tatami, avant de se lancer dans les bras de ses entraîneurs, puis de sa famille et de ses amis présents dans les tribunes : "J'avais imaginé tellement de scénarios pendant toutes ces années, de quelle manière j'allais crier ou sauter de joie, qu'en fait, je n'ai pas su quoi faire. J'ai pleuré. Il fallait que je pleure au moins une fois dans ma vie."
"Je suis championne d'Europe, championne du monde, championne olympique, je vais pouvoir me la péter un peu, non ? En attendant, là, je suis comme une petite vieille, j'ai mal partout. Si je bois du champagne, je m'écroule", déclarait-elle sourire aux lèvres, ajoutant qu'elle aimerait être "la Federer du judo" : "Il est toujours là, revient toujours et l'emporte à la fin. Pour moi, c'est ça, un champion."
Et assurément, Lucie Décosse est une championne. "Cette fille, c'est miss Judo. C'est la classe ! Lucie, c'est la recherche du geste parfait, du ippon. C'est la pureté, le feeling, tu la regardes, tu vois un sensei, un maître." Les propos sont signés Thierry Rey, champion olympique des moins de 60 kilos en 1980. Des louanges qui viennent s'ajouter à celles de Séverine Vandehende, championne olympique à Sydney en 2000 : "Techniquement, c'est un monstre. Lorsqu'on la regarde, on a l'impression que le judo, c'est facile. Elle sait attaquer, défendre, contrer, esquiver, avec une telle facilité... Elle est même capable de sortir un mouvement parfait qu'elle ne lancera qu'une fois dans sa vie. Le judo, elle le sent ! Alors, évidemment qu'elle fait partie des plus grandes."