Au cas où ses deux années barbues avaient été oubliées voire pardonnées par Hollywood, Joaquin Phoenix a ressorti la hache de guerre pour réaffirmer son statut d'artiste face à un système dicté par les studios et les dollars. Favori de la critique en vue des Oscars 2013 pour son rôle dans The Master de Paul Thomas Anderson, pour lequel il a été récompensé avec Philip Seymour Hoffman à la Mostra de Venise, l'acteur nommé comme meilleur acteur pour Walk the Line (2005) a pris soin de contrecarrer les plans des médias en affirmant son mépris pour ce qu'il considère comme de la "totale connerie".
Loin d'être calmé, Joaquin Phoenix n'a pas mâché ses mots pour le magazine Interview : "Je dis juste que je pense que c'est de la connerie. Je pense que c'est de la pure et totale connerie, et je ne veux pas en faire partie. Je n'y crois pas. C'est une carotte, mais c'est la carotte la plus amère que j'ai goûté de toute ma vie. Je ne veux pas de cette carotte. C'est totalement subjectif. Monter les gens les uns contre les autres... Je pense que c'est la chose la plus stupide au monde. (...) Ça a été l'une des périodes les plus inconfortables de ma vie quand Walk the Line a traversé tous ces trucs de récompenses. Je ne veux plus jamais expérimenter ça. Je ne sais pas comment l'expliquer. Ce n'est pas que je suis au-dessus de ça, mais je ne veux juste jamais être confortable avec cette partie du boulot."
Quasiment nommé à l'Oscar du meilleur acteur depuis des mois, Joaquin Phoenix ose hurler à Hollywood qu'il n'entrera pas une deuxième fois dans l'arène des fauves pour la course aux récompenses, cirque de plusieurs mois où chacun se vend aux personnalités les plus influentes du cinéma hollywoodien. Le comédien affirme d'ailleurs ne pas souhaiter entrer dans la A-list des acteurs : "Il y a eu cette période après I'm Still Here où je recevais beaucoup d'offres très bien payées parce que c'était de la merde. Je pense que beaucoup de gens se disaient, 'Il est foutu, il est désespéré'. Ces offres représentaient beaucoup d'argent. Peut-être pas pour d'autres acteurs, mais pour moi, clairement. Mais je ne veux pas de ce pouvoir. Je ne veux pas du pouvoir à 20 millions de dollars". Lorsque est évoquée la possibilité d'utiliser ce pouvoir pour alimenter les auteurs au lieu des blockbusters, Joaquin Phoenix reste lucide : "Ouais, mais on peut aussi devenir un autre enfoiré qui abandonne ses idéaux."
Conséquence directe de ce choix : il se félicite d'avoir travaillé avec Spike Jonze sur Her avec Rooney Mara, Amy Adams, Samantha Morton et Olivia Wilde, l'histoire d'un homme qui tombe amoureux de la voix d'un ordinateur. Ainsi que Nightintale de James Gray, où il forcera une pauvre Polonaise (Marion Cotillard) à se prostituer dans le New York des années 20.
The Master, en salles le 9 janvier 2013.