Après sa présentation à Cannes dans la catégorie Un certain regard, La Danseuse s'offre son avant-première parisienne. La projection s'est déroulée le 19 septembre au Gaumont Opéra de Paris. Choisir un cinéma dans le quartier de l'Opéra Garnier était une bonne idée pour ce long métrage retraçant le parcours passionnant de l'artiste Loïe Fuller qui avait assuré une performance de danse magnifique dans l'enceinte du prestigieux établissement. Autour de l'actrice principale Soko, se distinguent Lily-Rose Depp, dans la peau de la fascinante Isadora Duncan, Mélanie Thierry, bras droit et femme de la vie de Loïe, et Gaspard Ulliel, un Louis Dorsay magnétique.
La Danseuse s'inspire de la vie réelle de Loïe Fuller, en pleine Belle Époque. Cachée sous des mètres de soie, les bras prolongés de longues baguettes en bois, Loïe réinvente son corps sur scène et émerveille chaque soir un peu plus. Même si les efforts physiques doivent lui briser le dos, même si la puissance des éclairages doit lui brûler les yeux, elle ne cessera de perfectionner sa danse.
Quelques jours plus tôt, la tourbillonnante Soko et la réalisatrice Stéphanie Di Giusto avaient assuré une séance de questions/réponses à laquelle Purepeople a assisté. Une rencontre qui a permis de mesurer l'ampleur du travail accompli par la cinéaste qui signe là son premier long métrage : "Ça m'a pris six ans de travail. C'est un premier film qui a toutes les difficultés possibles : Film d'époque cher, trois ans d'écriture, un premier rôle pas bankable..." Soko ajoute : "Pas de Marion Cotillard, ni de Léa Seydoux (rires). Je dis ça car quelqu'un m'a demandé où était Léa Seydoux."
Soko, une évidence
Choisir Soko pour incarner le premier rôle a été une évidence pour la réalisatrice qui explique en souriant qu'elle a dû canaliser l'énergie débordante de son actrice. Une comédienne qui s'est beaucoup impliquée : "Elle s'est entraînée deux mois, sans doublure. Elle s'est entièrement donnée." Soko souligne la difficulté de son rôle et évoque l'admiration qu'elle porte au travail des danseurs : "C'est très dur quand on est nulle en danse, que l'on n'a pas de rigueur. Pour arriver à une telle performance, c'est difficile. J'admire la dévotion des danseurs car c'est si physique, ça transpire. Je ne pouvais pas tricher. J'ai dû apprendre ça à 29 ans. D'un coup, j'apprends à mon corps à faire ça. Mes seules expériences de danse, c'était petite, j'étais au fond. Et maintenant, j'ai fait mes 30 ans sur la scène de l'opéra de Paris, c'est une belle revanche !"
Les intégristes du beau
Un film – dont le budget était de 6 millions d'euros – fait avec les convictions d'une réalisatrice jusque-là inconnue au bataillon. Stéphanie Di Giusto s'est battue pour ne pas céder sur certains aspects du tournage – "c'était un bras de fer permanent entre les intégristes du beau et les autres" –, tout en restant responsable de son navire, telle un chef d'entreprise. À la question de la place des réalisatrices dans le cinéma, elle répond sans détour : "Je suis ultraféministe, mais on fait des films depuis la nuit des temps ensemble. Mais même pour un homme, ce film aurait été dur. Il n'y a pas de débat car les femmes font des films depuis toujours."
La réussite du film La Danseuse repose, entre autres, sur la force du casting. Quand on l'interroge sur l'alchimie avec les comédiens, elle répond : "Quand c'est bien écrit, la connexion existe." Elle a démarré le tournage avec une scène d'amour dans la boue avec Mélanie Thierry. Un beau baptême ! En définitive, la relation entre Gabrielle et Loïe reste platonique à l'écran, la réalisatrice prenant des libertés avec l'histoire d'amour réelle entre les deux femmes et créant une relation fictionnelle avec Louis Dorsay (Gaspard Ulliel), un choix que critique Aude Fonvieille sur Mediapart.
En engageant Lily-Rose Depp pour le rôle d'Isadora Duncan, la cinéaste a pris des risques car il s'agissait là du premier film de la jeune comédienne : "On a fait des auditions à Los Angeles et ça a marché. Elle a posé des questions très matures. Elle, elle a envie d'être actrice. Elle en est convaincue." Soko ajoute en riant : "Et moi, c'est ma copine, ça m'arrangeait !"
Cependant, les deux jeunes femmes se sont retrouvées à jouer une scène intime sur laquelle revient Soko : "Elle a tourné son premier baiser de cinéma avec moi, mais elle était hyper détendue malgré la présence de ses gardes du corps ! Pour moi, embrasser quelqu'un à 16 ans devant une camera, ce n'est pas facile." Par ailleurs, contrairement à Soko, la fille de Vanessa Paradis et Johnny Depp a été doublée pour les scènes de danse. Un choix que la réalisatrice assume car il renforçait le côté trouble de son personnage. On retrouvera ensuite Lily-Rose en novembre dans un film non moins ambitieux, Planetarium avec Natalie Portman.
La Danseuse, en salles le 28 septembre