En l'espace de quelques jours, le wingsuit, qui avait jusque-là les faveurs assez confidentielles des amateurs de sports extrêmes et de voltige, est devenu un phénomène grand public. Mais au prix de quelle publicité...
Trois décès accidentels (le dernier en date samedi en Savoie) liés à cette activité sont survenus dans les Alpes en l'espace de quelques jours, cinq depuis le début de l'été. Parmi eux, une "célébrité" : le Britannique Mark Sutton, qui avait marqué les esprits en se déguisant en James Bond parachutiste lors de la cérémonie d'ouverture des JO de Londres 2012, s'est tué mercredi. A 42 ans, le sportif, réputé dans le milieu et décrit comme "tout sauf une tête brûlée", participait à un rassemblement de trois jours de vol en wingsuit, organisé à Chamonix par Epic TV, une chaîne locale de télévision sportive. Agé de 42 ans et chevronné, il s'est écrasé sur une crête près de Marigny, à côté de la frontière française, par faute d'une trajectoire trop agressive selon la personne qui avait sauté avec lui. Vraisemblablement tué sur le coup (la vitesse au moment de l'impact devait s'élever à près de 240 km/h), il a été identifié grâce à son ADN...
Après le témoignage très ému de son ami Gary Connery, qui fut, grimé en Elizabeth II, son acolyte lors de la cérémonie d'ouverture des JO orchestrée par Danny Boyle, lequel s'est également exprimé avec beaucoup d'émotion ("il a laissé des souvenirs indélébiles à des gens de toutes origines partout dans le monde [grâce à] sa contribution au show, la plus magnifique et la plus courageuse de toutes"), la compagne de Mark Sutton, Victoria Homewood, a confié au Daily Telegraph son chagrin et son admiration, dans un hommage bouleversant qu'elle a accompagné d'une photo publiée sur Facebook montrant le couple en train de s'embrasser au-dessus d'une mer de nuages, sur la Montagne de la Table, en Afrique du Sud.
Agée de 39 ans, mademoiselle Homewood, qui a reçu à Chamonix le soutien de la famille de Mark Sutton, écrit dans un message transmis au quotidien britannique : "Mon merveilleux "007" a donné de la joie et fait rire des millions de gens lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Londres l'année dernière. Pendant ces courts moments passés dans la lumière des médias, le monde a vu cet homme immensément talentueux, professionnel et brillant qui nous a été tragiquement arraché. Mark était le plus tendre et le plus loyal des hommes, incroyablement altruiste dans tout ce qu'il faisait. Sa patience et sa gentillesse ont eu un impact sur la vie de bien des gens. Il avait la passion de la vie, de la nature, des montagnes et du ciel. Il va cruellement nous manquer. Sa passion, son esprit, son courage et son amour lui survivront et seront pour nous tous une source d'inspiration. Rien ne comblera jamais le vide laissé dans nos vies par le décès prématuré de Mark, j'espère que vous voudrez bien respecter notre droit à faire notre deuil en paix et accorder à la famille de Mark et à ses amis le temps et l'espace nécessaires pour pleurer sa perte dignement."
Le père de Mark Sutton, John, ancien haut gradé de la RAF dans laquelle son fils a servi comme officier, a partagé sa "grande fierté" d'avoir eu un fils qui a vécu "une vie formidable, 42 années formidables". La mère du défunt, Lady Angela Sutton, a quant à elle confirmé qu'il "excellait dans tout ce qu'il entreprenait".
La police suisse a saisi l'enregistrement vidéo de la personne qui sautait avec lui, Tony Uragallo. Ce dernier, qui réalise des combinaisons de wingsuit et comptait avec Mark parmi les vingt meilleurs de la discipline dans le monde, a dit avoir perdu de vue une dizaine de secondes son partenaires, et a relaté : "J'allais le suivre, étant donné qu'il est un bien meilleur sauteur que moi. Il a plongé de l'hélicoptère, je l'ai suivi, j'étais tout prêt, juste au-dessus. Mais il a plongé vraiment vite et a pris une trajectoire vraiment agressive. On avait tous l'intention de prendre une trajectoire normale pour notre premier saut, mais lui a été plutôt agressif. Il est passé sur le flanc gauche de la montagne, tout prêt d'une surface plane, et il volait vraiment très près du sol de cette zone. Il a heurté la montagne (...) Il ne connaissait pas ce saut et était un peu agressif pour ce nouveau saut. D'habitude, on connaît l'endroit." Dimanche, un ami du dernier sauteur à s'être tué et pionnier de la spécialité, Erich Beaud, a confié à l'AFP être pris "dans un océan de doutes" après la série noire de cet été, constatant une augmentation du nombre des accidents depuis "deux-trois ans" et s'interrogeant sur l'évolution des mentalités et du matériel.
G.J.