Pas facile de trouver une photo deMathieu Kassovitz et Vincent Cassel, ensemble, datant de moins de quinze ans... Pourtant, cette photo existe. En 2019, dans une soirée organisée en marge du festival de Cannes, les deux comédiens avaient posé avec l'équipe du film les Misérables et du collectif Kourtrajmé, qu'ils soutiennent l'un et l'autre depuis toujours. Ce 15 mai au soir, ils étaient donc à moins d'un mètre l'un de l'autre. Le hasard avait même voulu qu'ils portent à peu de choses près la même tenue : un pantalon en toile brune, et un blouson en cuir marron pour les deux. Un accord presque parfait au milieu de tant de désaccords... Car en cette année 2019, entre les deux stars de la Haine, la rupture est consommée, et depuis longtemps...
Quatre ans auparavant, Vincent Cassel, qui après sa rupture avec Tina Kunakey vient de retrouver l'amour avec Narah, était l'invité de Michel Denisot dans son émission Conversation Secrète, sur Canal+. Le journaliste hasarde une question sur d'éventuelles retrouvailles entre Kassovitz sur un hypothétique tournage de la Haine 2. Les réponses de Cassel fusent. Le ton d'emblée, se fait mordant. "Pourquoi pas. Si lui ça le réveille de sa torpeur créative, j'en serais ravi. Je trouve que ces derniers films sont moins inspirés. Et je pense qu'il le sait." Denisot enchaîne : "Vous avez toujours une bonne relation avec lui ?" Cassel le coupe, froid et tranchant : "Pas du tout, je le vois plus depuis des années." Et quand le monsieur cinéma de Canal tente d'en savoir plus, Cassel joue une espèce de tirade explicative : "C'était la fin d'une amitié, la fin d'une espérance, la fin d'une époque". Et de conclure, fataliste : "Dans ce métier là, c'est difficile de garder des amis."
Deux ans plus tard, en 2017, Mathieu Kassovitz, qui se remet doucement après son terrible accident de moto survenu en septembre 2023, fait l'objet d'un portrait du quotidien Le Monde. Nos confrères cherchent des témoins susceptibles de leur parler de celui qui incarne Malotru dans le Bureau des Légendes. Kassovitz leur répond, comme un écho à la phrase de Cassel : "Aujourd'hui, je n'ai pas d'amis dans ce milieu, seulement des collègues de travail " Et lorsque nos confrères demandent ce qui est resté de la bande de La Haine, le comédien réalisateur répond laconique : " Je ne la fréquente plus. " "Même Vincent Cassel ?", tentent les journalistes. " Non ! "
Voilà les deux anciens complices au moins d'accord sur un point : ils ne se voient plus. Mais un mystère demeure : comment en sont-ils arrivés là ?
Vincent Cassel en 1966, Mathieu Kassovitz en 1967, tous les deux sont nés à Paris dans un milieu d'artiste. Le père du premier, Jean-Pierre, est un comédien célèbre. Peter, celui du second est réalisateur et acteur. C'est loin de la capitale, à Antibes dans un lycée coté, le Centre international de Valbonne, que les deux jeunes vont faire connaissance. "Je suis tombé sur un mec de mon âge qui avait les mêmes références que moi et qui était en train d'apprendre en même temps que moi", se souvenait Cassel devant les caméras de Brut en 2021. Une passion les unit : le cinéma.
Il s'ouvre à eux avec un premier film que réalise Mathieu : Métisse, l'histoire d'une jeune métisse antillaise enceinte d'un enfant dont elle ne connaît pas le père. Devant la caméra, Kassovitz invite son copain Vincent. Premiers émois de la profession : le film obtient deux nominations au César en 1994. L'année d'après, révélation : les deux potes se retrouvent pour La Haine, tourné par Kassovitz avec Vincent Cassel dans l'inoubliable rôle de Vinz. Cassel et Kasso réalisent le casse de cette fin de siècle avec ce film coup de poing sur les banlieues. Mais comme le souligne la baseline du film, le plus dur, c'est pas la chute, c'est l'atterrissage...
Pour les deux compères, il s'effectue 5 ans plus tard. "Un jour, raconte Vincent Cassel au média Ecran Noir, Mathieu m'appelle et me dit: "Il y a un truc qui s'appelle Les Rivières pourpres, je ne sais pas si tu pourrais le faire...". Et puis il a enchaîné: "Non, en fait c'est toi, vas-y, on le fait comme ça." Kassovitz est toujours à la réalisation. Cassel, lui, s'est donné à fond, physiquement, pour entrer dans le rôle de Max, un flic de choc, que son ami lui taille sur mesure... "Disons que Mathieu m'a fait jouer sur des traits de caractères qui me sont propres. Dans le film, j'ai une manière de m'exprimer qui est assez proche de la mienne.", résume Cassel dans cette interview.
En apparence, les deux hommes sont sur la même longueur d'onde. En réalité, le tournage aurait fait apparaître des dissensions. Cassel les évoque à demi-mots dans une vidéo bonus du DVD. En substance, Kassovitz est accusé d'avoir trop réécrit ses scripts, ce qui aurait obligé ses comédiens à des ajustements incessants de dernière minute. Cassel, le perfectionniste, toujours aussi charmant malgré les années qui passent, n'aurait pas apprécié. Est-ce là la seule raison de leur brouille ? Un peu ténu. Dans un article daté de 2017, Le Monde évoque une fâcherie "à mort" qui aurait pour origine une " histoire d'engagement non tenu pour un film ".
Est-ce cette histoire qui va provoquer le clash ultime lors d'une soirée cannoise ? Nous sommes le 17 mai 2008. Vincent Cassel est venu sur la Croisette porter son film Mesrine. Ce soir-là, l'équipe du film s'est retrouvée au Jimmy'z, célèbre discothèque de la côte. Alors que la fête bat son plein dans l'établissement, deux hommes se présentent à l'entrée. L'un d'eux est Mathieu Kassovitz. D'après les récits recueillis alors par Le Parisien, il aurait souhaité entrer mais ne figurait pas sur la liste des invités. Les videurs l'en aurait empêché. Il aurait alors demandé qu'on aille chercher Vincent Cassel afin qu'il puisse s'expliquer avec lui. Et l'explication a eu lieu !
D'après nos confrères, le ton serait monté entre eux. Kassovitz aurait lâché à son ancien pote : "c'est moi qui t'ai fait avec La Haine !". Et les deux hommes en seraient venus aux mains. Un peu plus tard, interrogé par 20 minutes, Kassovitz le reconnaît à demi-mots : C'était "des retrouvailles mouvementées avec un mec que je connais depuis 20 ans. On a des problèmes à régler donc on les règle à notre manière..."
C'est la dernière fois, officiellement, que Cassel et Kassovitz se parleront. Depuis, ils n'échangent que par medias interposés et les mots font mal. Quelques mois après cet incident, Vincent Cassel explique à Laurent Weil , au magazine l'Hebdo, sur Canal+ : "Vous savez moi par rapport à Mathieu j'ai pas grand chose de très sympathique à dire malheureusement". Le journaliste poursuit : "Vous ne retravaillerez plus jamais ensemble ?". "Non là je crois que c'est vraiment mal barré". Il ne se trompait pas.
Près de dix ans plus tard, en 2016, au journaliste de Télérama qui l'interroge sur ces possibles retrouvailles, Cassel persiste : "Ce que je vois et lis de lui ne m'en donne pas envie. Je ne me reconnais plus du tout dans ce mec. Quand on a cessé de travailler ensemble, il y a longtemps maintenant, cette déception amicale m'a éloigné du cinéma pendant près d'un an : j'ai eu du mal à m'en remettre." Et de conclure évoquant La Haine " Je lui souhaite de refaire un jour un film de ce niveau-là. Mais pour rester cinéaste, il faut avoir quelque chose à dire... "
Ce 9 avril 2024, il semble justement que Matthieu, qui s'est encore écharpé avec son ancien copain Saïd Taghmaoui, avait quelque chose à dire. Il vient en effet d'annoncer que treize ans après son dernier film en tant que réalisateur, il allait repasser derrière la caméra pour tourner en anglais "The big war" une adaptation d'une BD français culte La bête est morte. "C'est un projet sur lequel je travaille depuis vingt ans", confie Kassovitz que l'on retrouve par ailleurs sur grand écran, ce mercredi 24 avril 2024 aux côtés d'Yvan Attal dans le film Frères... Ce retour sur le devant de la scène permettra-t-il à Kassovitz de retrouver grâce aux yeux de son ancien ami ? Rien n'est moins sûr.