Il s'agit d'une des affaires les plus mystérieuses de ces dernières années. Dans la fameuse affaire non résolue du meurtre de Sophie Toscan du Plantier, et alors que l'Irlande étudie toujours la demande d'extradition vers la France du suspect numéro 1 - Ian Bailey, un journaliste anglais de 53 ans -, dont la décision sera rendue le 21 janvier 2011, le journal France Soir est parti sur les traces du témoin clef de cette sombre affaire.
Elle s'appelle Marie Farrell. Dans l'affaire du meurtre de Sophie Toscan du Plantier - à l'époque femme du regretté Daniel Toscan du Plantier -, ce témoin clef est cette jeune femme qui, le soir du 23 décembre 1996, avait reconnu, à 3 heures du matin, le dénommé Ian Bailey sur le pont de Kilfeadda, alors qu'elle rentrait d'un rendez-vous adultérin. Pendant neuf ans, elle affirmera que Bailey était bien cet homme qui rôdait près de la propriété des Toscan du Plantier, mais en 2005, elle changera d'avis. Ce n'était pas lui. Elle s'expliqua, alors en avançant que la police irlandaise lui avait extorqué son témoignage, abusant de sa vie conjugale complexe de l'époque.
Les années ont passé et Marie Farrell a refait sa vie. Après avoir eu affaire plusieurs fois à la justice pour d'autres délits - tentative d'arnaque au loto local, litige financier quant à la construction d'une maison... -, elle vit avec son mari (aujourd'hui malade) et quatre de ses cinq enfants dans une maison des Midlands.
Ce témoin, qui n'a pas souhaité s'exprimer face aux journalistes de France Soir, est le principal - voire le seul - élément pouvant prouver la culpabilité de Bailey. La semaine dernière, à la cour criminelle de justice de Dublin, alors que l'Irlande étudie toujours la demande française d'extradition du suspect, Marie Farrell était au centre des débats : "Madame Farrell est un personnage central dans la demande d'extradition déposée par la France", a déclaré Maître Martin Giblin, l'un des avocats de Bailey en charge d'empêcher son extradition vers la France. "On a dit que Bailey l'a intimidée (notamment en la menaçant sur son lieu de travail, ndlr) : c'est faux. Pourtant, les Français fondent leur demande sur une information fausse. D'ailleurs, Madame Farrell n'a jamais été contactée par les autorités françaises, alors qu'elle a dit qu'elle était prête à collaborer."
Pour l'entourage de Bailey, l'intérêt est de tourner la demande d'extradition française comme une insulte à la justice irlandaise, à savoir : ce que vous n'avez pas réussi à prouver, nous, nous y arriverons. Avec cette tactique, les conseils de Bailey espèrent de pas voir leur client remis aux mains de la justice française.
Le témoignage ou non de Marie Farrell revient donc en première ligne dans cette affaire, dont la demande d'extradition, acceptée ou non, sera connue le 21 janvier 2011.
Historique de l'affaire :
Il y a deux ans, la justice française rouvrait le dossier sur la mort tragique et non résolue de la productrice de télévision Sophie Toscan du Plantier - femme du producteur de cinéma et ancien patron de la Gaumont Daniel Toscan du Plantier, aujourd'hui décédé -, qui avait été assassinée dans la nuit du 23 décembre 1996, dans sa propriété de Schull, en Irlande.La jeune femme, âgée de 39 ans au moment des faits, avait été retrouvée en tenue de nuit dans son jardin, défigurée et le corps meurtri par une quarantaine de blessures causées par son assassin, qui s'était acharné sur elle avec une machette et un bloc de ciment. Il est ressorti de l'enquête que son agresseur avait frappé la nuit à la porte de sa cuisine et qu'elle avait ouvert sans méfiance, accréditant le fait qu'elle connaissait forcément son assassin.
Après une enquête classée sans suite par la justice irlandaise (le suspect n°1, le journaliste britannique Ian Bailey, n'avait jamais pu être réellement mis en cause dans cette affaire et l'enquête n'avait jamais abouti, faute de preuves). Près d'une douzaine d'années après le drame, le juge d'instruction français Patrick Gachon avait ordonné en juin 2008 l'exhumation du corps de la victime pour l'autopsier à nouveau et tenter de retrouver sur la dépouille des traces d'ADN de son éventuel assassin.
Malheureusement, le résultat de cette nouvelle autopsie n'avait rien apporté de nouveau au dossier. Cependant, ce rebondissement avait permis au juge en charge de l'enquête française d'étendre ses recherches quant à un éventuel faux témoignage, mis en lumière par une plainte déposée par les malheureux parents de Sophie Toscan du Plantier. Cette plainte contre X pour "subornation de témoin et faux témoignage" visait les deux acteurs clefs de ce dossier - le journaliste indépendant Ian Bailey, longtemps considéré comme le suspect numéro 1, et Marie Farrel, qui avait dans un premier temps déclaré avoir vu, la nuit du meurtre, vers 3h du matin, Ian Bailey rôder à proximité de la propriété de la victime, avant de se rétracter sous les pressions et les menaces de ce dernier. Menaces qu'elle avait clairement décrites devant les caméras de télévision. Elle avait ensuite déclaré avoir subi d'autres pressions de la part de la police pour accuser Bailey.
Le juge Gachon - qui s'est depuis déplacé en Irlande pour voir certaines pièces à conviction qui ne pouvaient pas lui être envoyées, comme le bloc de béton qui aurait achevé la victime - attendait depuis de recevoir le dossier de la police irlandaise et de le faire traduire afin de convoquer enfin ces deux fameux témoins et de les entendre.
Cette triste affaire avait pris en début d'année une autre dimension, lorsque le juge Patrick Gachon avait émis le 19 février un mandat d'arrêt international contre le journaliste Ian Bailey. Le 9 mars, la justice irlandaise accusait réception de ce mandat d'arrêt et devait rapidement mettre la main sur l'individu, avant de le relâcher.
L'un des avocats de la famille de la victime - Maître Alain Spilliaert - avait ainsi déclaré à l'époque : "C'est une étape importante, même si Bailey dispose de nombreuses voies de recours et va sans doute saisir la High Court irlandaise"..
Soupçonné depuis le début de l'enquête, Ian Bailey, journaliste pigiste pour plusieurs journaux irlandais, avait été entendu deux fois par la police irlandaise et même placé en garde à vue pendant 24h, sans pouvoir cependant être inculpé, faute de preuves. Mieux, sa compagne lui avait fourni un alibi.
Nous ne manquerons pas de vous tenir informés de la suite de cette enquête et l'éventuelle extradition de Bailey vers la France, qui sera statuée le 21 janvier 2011. Le jugement pourra cependant donner lieu à un ultime recours devant la Cour Suprême irlandaise.Adam Ikx