"Un super mec", "un homme généreux", "un frère"... Comme la planète foot et toute l'Algérie, les coéquipiers d'Albert Ebossé (24 ans), attaquant de la JS Kabylie tué par un projectile lancé des tribunes samedi, pleurent leur ami. Indignés par le comportement de certains "supporters", ils tentent désormais de faire le deuil et de comprendre comment on a pu en arriver là...
"Ils ont tué mon frère"
Kamel Yesli n'en croit toujours pas ses oreilles. Déjà en pleurs en apprenant la mort de son coéquipier Albert Ebossé, le milieu de terrain de la JSK a entendu une phrase d'un "supporter" qui en dit long : "Si vous aviez gagné, il ne serait pas mort." Des propos qu'il aurait évidemment voulu n'avoir jamais entendus. "On était déjà en pleurs, c'est choquant d'entendre ça ; mais ça montre leur état d'esprit. En Algérie, ils aiment tellement le foot qu'ils en deviennent fanatiques. Ils ont tué mon frère", se lamente-t-il dans Le Parisien.
Connu pour être très "chauds", les supporters algériens ont fait basculer le match JSK contre l'USM Alger - l'équivalent d'un match PSG-OM, un degré au-dessus - dans l'horreur. A la fin de la rencontre perdue par les locaux (2-1), les supporters caillassent leurs joueurs au moment où ils regagnent les vestiaires. Auteur de l'unique but de son équipe, Albert Ebossé est touché à la tête par une pierre. Il décédera un peu plus tard à l'hôpital de Tizi Ouzou. "On n'a jamais eu de soucis, ni été insultés, contrairement à d'autres joueurs. Les supporters nous aimaient bien. Mais ils l'aimaient tellement qu'ils ont fini par le tuer", regrette Yesli, également voisin du défunt.
L'un des joueurs préférés du public
Meilleur buteur du championnat l'an passé avec 17 buts, Albert Ebossé avait attiré l'oeil des recruteurs cet été, notamment en France. Généreux, c'est aussi pour sa femme et leur petite fille, restés au pays, que l'attaquant camerounais voulait réussir au plus haut niveau. "Il était en mission. L'argent qu'il gagnait était pour ses proches (...) La folie de certains a tout gâché", poursuit Yesli, qui va rentrer en France quelque temps pour faire le deuil. "C'était un super mec avec une super mentalité", ajoute Farid Beziouen, joueur du Red Star passé par la JSK l'an dernier.
Malgré l'émotion, l'indignation et la colère se font ressentir. Kamel Yesli dénonce notamment l'état des stades en championnat. "Ce sont des chantiers permanents. Ils peuvent donc ramasser des pierres, des parpaings (...) ça aurait pu être moi", raconte-t-il. Nasser Sandjak, ancien coach de la JSK, dénonce ainsi le climat régnant actuellement sur le championnat local. "C'est un exutoire qui rend fou les supporters, se plaint-il. La mort de ce pauvre garçon était presque prévisible (...) chaque match ressemble à une guerre", regrette-t-il, expliquant notamment avoir reçu une bouteille d'eau sur la tête et avoir vu des agressions à coups de couteau.
Stade fermé et matchs annulés
Si l'entraîneur accuse la presse d'attiser les tensions et la Fédération de ne pas arrêter ce phénomène, le président de la Confédération africaine Issa Hayatou a exigé des "sanctions exemplaires". Le stade a quant à lui été fermé tandis qu'une enquête judiciaire a été ouverte. Les matchs du week-end prochains ont également été annulés en hommage à la victime.
Le président de la FIFA Joseph Blatter s'est également indigné après la mort d'Albert Ebossé. "Intolérable qu'un spectateur provoque la mort d'un joueur. Stop à la violence ! Mes pensées émues aux proches d'Albert Ebossé. RIP", a tweeté lundi le patron du foot mondial. Le quotidien local El Watan a quant à lui dénoncé les islamistes qui ont "entraîné la jeunesse algérienne dans l'épouvante et l'horreur". "Le pouvoir ne veut pas la heurter de front tant qu'elle le laisse piller tranquillement les richesses du pays", analyse le journal.
La dépouille d'Albert Ebossé doit être transférée dans les prochains jours vers Douala, où vit sa famille, après avoir été transportée dimanche à Alger.