Réalisateur du film érotique Emmanuelle qui a érigé Sylvia Kristel au rang d'icône, Just Jaeckin est revenu sur le décès de l'actrice à 60 ans, dans la nuit de mercredi à jeudi 18 octobre, des suites d'un cancer de l'oesophage. Dans un entretien au NouvelObs.fr, le cinéaste évoque tout d'abord sa rencontre avec la comédienne hollandaise, dans son pays natal, où il était en quête du rôle éponyme pour Emmanuelle : "Je savais que c'était elle qu'il me fallait car elle était tellement pure que je savais qu'elle ne pouvait pas tomber dans la pornographie, et la limite entre le porno et l'érotisme est tellement mince..." raconte avec nostalgie le réalisateur français, qui était au départ à la recherche d'une comédienne asiatique.
À l'annonce du décès de Sylvia Kristel dont il était très proche, Just Jaeckin s'est senti profondément attristé : "Comment réagit-on à la mort de quelqu'un qu'on aime ? On se sent un peu perdu, on sent qu'une page est véritablement tournée... surtout qu'Emmanuelle et Sylvia étaient une page de ma vie" note le cinéaste de 72 ans. Au delà de l'amitié, Just Jaeckin évoque un membre de sa "famille" : "C'était une petite soeur car quand je l'ai prise, c'était un bébé, et moi j'étais un jeune homme. On a vieilli ensemble et, même avec des carrières séparées, on restait ensemble". Le réalisateur d'Emmanuelle espère aujourd'hui qu'elle "peindra là-haut [Sylvia Kristel était devenu peindre, NDLR] et qu'elle oubliera tout ce qu'on a pu dire de mal sur elle, et qu'elle entendra tout ce que les gens disent aujourd'hui, qu'elle était formidable et que c'est un film culte pour qu'elle soit fière de ce film comme moi" explique-t-il, très ému.
Sylvia Kristel n'était pas destinée à devenir ce sex-symbol des années 70. Née en 1952 à Utrecht aux Pays-Bas, elle est une élève brillante en raison d'un QI record. Après ses études secondaires, elle débute cependant le mannequinat et remporte un grand concours de beauté européen. C'est alors qu'elle est repérée et devient, en 1974, Emmanuelle devant la caméra de Just Jaeckin. Le film devient un phénomène de société et elle reprendra le rôle à plusieurs reprises. Sa carrière prend alors son envol et elle tourne avec les plus grands en France : Claude Chabrol, Alain Delon, Michel Piccoli, ou encore Gérard Depardieu.
Après la naissance de son fils Arthur en 1975, dont le père est l'écrivain belge Hugo Claus (décédé en 2008), Sylvia Kristel enchaîne les déboires amoureux et sombre dans la drogue et l'alcool. Les années 2000 seront marquées par la peinture mais surtout sa lutte constante contre la maladie, un cancer de la gorge, puis des poumons. Ses amours contrariées et destructrices, Sylvia Kristel les raconte dans son autobiographie baptisée Nue et parue en 2006. En juin dernier, l'actrice était entre la vie et la mort après un AVC à son domicile.