Sylvia Kristel est décédée dans la nuit de mercredi à jeudi 18 octobre des suites d'un cancer. L'actrice hollandaise était très affaiblie depuis cet été par un AVC. Elle restera à jamais associé à son personnage, l'inoubliable Emmanuelle. Retour sur une saga, un personnage culte et le destin de celle qui lui prêta ses plus beaux traits.
Le rêve d'Emmanuelle
Sylvia Kristel n'était sans doute pas destinée à devenir ce sex-symbol des années 70. Née en 1952 à Utrecht aux Pays-Bas, elle est une élève modèle et brillante qui saute quatre classes en raison d'un QI record. Après ses études secondaires, elle débute cependant le mannequinat et remporte un grand concours de beauté européen. C'est alors qu'elle est repérée et devient, en 1974, Emmanuelle devant la caméra de Just Jaeckin, adapté d'un roman à succès d'Emmanuelle Arsan. Le film est un succès, en réalité plus que ça, un phénomène de société.
En 1975, la classification X fait son apparition et jette l'opprobre sur une partie de la production érotique. Les spectateurs se replient en masse sur l'érotisme luxe et acceptable qu'incarne le film Emmanuelle, histoire d'une jeune femme modèle et cultivée qui rejoint son époux diplomate à Bangkok et se laisse aller à quelques délicieuses rencontres entre deux visites touristiques. Le film frappe par la beauté de sa photographie, de ses paysages, de ses couleurs. Le sexe y tient une place presque secondaire, mais le charme de son interprète lui confère une charge évocatrice époustouflante. La musique, toute aussi remarquable, est signée Pierre Bachelet. Ce premier Emmanuelle reste treize ans à l'affiche sur les Champs-Élysées et réalise près de 9 millions d'entrées.
Sans perdre de temps, Sylvia Kristel reprend le rôle en 1975 pour un second épisode qui se déroule à Hong-Kong. PuisSerge Gainsbourg accepte cette fois-ci de signer la B.O. de Goodbye Emmanuelle (1977) où le personnage poursuit ses explorations sensuelles aux Seychelles. Ces trois films sont des petits bijoux. À la même époque, Sylvia Kristel tourne avec Claude Chabrol (Alice ou la dernière fugue en 1977), Gérard Depardieu et Michel Piccoli (Renée la canne de Francis Girod en 1977), Alain Delon (Airport 80 Concorde en 1979) et dans L'Amant de Lady Chatterley, autre classique de l'érotisme. Mais la belle Sylvia Kristel s'enferme vite dans ces rôles à l'érotisme suranné. Sa carrière prend quasi fin en 1981.
De l'autre côté des alpes, en Italie, Emmanuelle est noire est fait des ravages jusqu'en 1983 dans la série de films Black Emmanuelle...
La fin d'Emmanuelle
Dès Emmanuelle 4 (1984), la saga française Emmanuelle prend du plomb dans l'aile. Derrière la caméra Francis Leroi : il fait ses classes avec la Nouvelle Vague, mais choisit la pornographie. En 1993, il relance la saga avec une série de téléfilms aux titres plus évocateurs que leur contenu - Emmanuelle au septième ciel, Magique Emmanuelle, Le Secret d'Emmanuelle, Éternelle Emmanuelle, etc... - qui feront les grandes heures du dimanche soir sur M6. À l'érotisme exotique et charmant des premiers films est préféré une esthétique de porno soft aussi laide qu'ennuyeuse. Dans ces films, Emmanuelle est interprétée par Marcela Walertstein, Sylvia Kristel y fait parfois une apparition, en souvenir de sa gloire passée...
Après la naissance de son fils Arthur en 1975, dont le père est l'écrivain belge Hugo Claus (décédé en 2008), Sylvia Kristel a enchaîné les déboires amoureux. Après cinq d'amour, elle se sépare du comédien anglais Ian McShane . Cette rupture la laisse dans un véritable état de détresse, elle sombre dans la drogue et l'alcool. Quand l'actrice se reprend enfin, elle obtient un certain succès en tant que peintre. Les années 2000 seront marquée par sa lutte constante contre la maladie, un cancer de la gorge, puis des poumons. Ses amours contrariées et destructrices, Sylvia Kristel les raconte dans son autobiographie baptisée Nue et parue en 2006.
En 2011, Emmanuelle fait son retour sous les traits de l'actrice X Brittany Joy/Allie Haze dans une série de film en 3D... à mille lieux du rêve érotique de Sylvia Kristel et Just Jaeckin.