Il faut certainement une sensibilité exacerbée pour embrasser un rôle tel que celui de la défunte princesse Diana, mais aussi des nerfs d'acier, quand vient l'heure de se justifier. Un exercice auquel Naomi Watts, incarnation de la regrettée princesse du peuple dans le biopic à paraître le 2 octobre prochain, retraçant de manière romanesque les deux dernières années de sa vie et son idylle tourmentée avec le chirurgien Hasnat Khan, s'est prêtée avec abnégation une nouvelle fois à Paris, hier, vendredi 6 septembre 2013.
En conférence de presse, l'actrice australo-britannique, son partenaire à l'écran Naveen Andrews, ancien de Lost retrouvé dans la peau du grand amour de Diana, le réalisateur Oliver Hirschbiegel et le producteur Robert Bernstein se sont serré les coudes pour défendre leur projet et leur vision, sous le feu roulant de critiques assassines outre-Manche après son avant-première mondiale à Londres jeudi soir. Après s'être déjà confiée longuement sur l'obsession qu'elle a développée pour la figure de Diana et la connexion spirituelle par le biais de laquelle la défunte lui a donné sa bénédiction, l'épouse de l'acteur Liev Schreiber et mère de leurs deux garçons a surenchéri au sujet de celle qu'elle n'a pas hésité à qualifier de personnalité "la plus importante de notre époque" : "tout le monde a l'impression de pouvoir incarner Diana", avance-t-elle, s'alliant à la production pour dire que si "le film n'est certainement pas un documentaire (...) il est façonné sur des faits que tous peuvent consulter". Ce qui n'est pas le postulat le moins instable.
Mais trêve de débats, quelques heures après avoir tenté de convaincre son auditoire parisien, Naomi Watts a imposé le silence et fait cesser tout bavardage. Comment ne pas rester bouche bée devant son apparition angélique sur le tapis rouge de l'UGC Normandie, sur les Champs-Elysées, où les chasseurs d'autographes et admirateurs étaient bien au rendez-vous en dépit de la controverse ? Certes, sa robe blanche courte et transparente, digne autant d'une danseuse étoile que d'une princesse, n'avait guère à voir avec la légende de Lady Di. Mais cette sortie lumineuse et exquise, sous un bustier dont le raffinement du détail, de face et dos, captivait, et dans la légèreté parfaite d'un tomber vaporeux et de manches volantes, attirait forcément les regards sur l'héroïne de Diana. Et, par conséquent, sur sa performance dans "le rôle le plus difficile de sa vie". Du côté de Naveen Andrews, dont l'élégance de mannequin en smoking noir semblait imperméable à toutes les critiques (en premier lieu, celle, virulente et définitive, d'Hasnat Khan), et d'Oliver HirschBiegel, l'atmosphère était moins précieuse, plus exubérante. Plus potache, même, à en juger d'après leur séance de pose avant la projection.
De quoi détourner l'attention des premières critiques parues en Grande-Bretagne, mais sans doute pas suffisamment pour les faire oublier. "Ce qui intéressant, c'est qu'elles sont extrêmes, et intriguent le public, et c'est cet intérêt qui motive notre film. On critique plus l'idée même d'avoir fait ce film, plutôt que le film en lui-même", tente de faire valoir le réalisateur de Diana, à qui l'on doit La Chute. Il a au moins raison sur un point : les avis émis outre-Manche sont extrêmes, y compris du côté des médias les plus raisonnables : "16 ans après ce jour funeste, Diana est morte d'une seconde mort atroce", ose The Guardian, hésitant toutefois à assumer la formule "car crash cinema" (littéralement du cinéma accident de voiture), tandis que The Times fustige un film "qui reste infâme et intrusif" malgré une Naomi Watts qui a fait "son maximum avec un script gênant tant il est boiteux". The Daily Mirror ne prend pas autant de pincettes avec ce film "fabuleusement immonde", bon pour passer "en milieu de journée et en semaine sur Channel 5", qui présente la princesse des coeurs comme une "pauvre fille célibataire que même Bridget Jones aurait évitée en changeant de trottoir" ; le tabloïd moque même Naomi Watts, raillant que "Wesley Snipes avec une perruque blonde s'en serait mieux sorti". Une violence qui occulte toute dimension purement cinématographique concernant la réalisation en elle-même, et qui démontre que l'histoire de Lady Di, dont on commémorait le 31 août le 16e anniversaire de la disparition, demeure d'une certaine manière intouchable. Ou, du moins, insaisissable.