Si Naomi Watts se défend de vouloir déplaire à la famille royale et contrarier les princes William et Harry en se fondant dans la peau de Lady Di pour le biopic le plus sujet à caution de l'année, sa crise d'angoisse n'est rien à côté de la crise de nerfs du principal intéressé : Hasnat Khan, le grand amour de Diana, qui lui survit et qui est là pour voir l'acteur Naveen Andrews (Lost) reconstituer sa passion de deux ans avec la princesse de Galles, vient d'ajouter sa voix au concert d'appréhensions précédant le film d'Oliver Hirschbiegel...
En un clin d'oeil, le cardiologue et philanthrope pakistano-britannique, devenu célèbre du fait de son aventure tourmentée avec Lady Diana, a su que la récupération de leur histoire d'amour et son adaptation à l'écran dans une production à gros budget pour le genre (15 millions de dollars) était "erronée" : un simple aperçu, celui d'une image du film figurant Diana/Naomi Watts et Hasnat Kahn/Naveen Andrews, lui a suffi à se faire son idée. Il n'a vu aucune des bandes-annonces diffusées (une énième a été mise en ligne cette semaine) et ne regardera pas le film. Et dément catégoriquement avoir donné son "accord tacite", contrairement à ce qu'avance la production.
Face à l'imminence de la (catastrophe ?) sortie en salles, le 2 octobre prochain (une avant-première aura lieu dès le 5 septembre à l'Odeon Leicester Square), et les récriminations anticipées qui se font déjà entendre, Naomi Watts, en première ligne, tente de défendre et de porter à bout de bras ce projet qu'il lui a fallu un certain courage pour accepter. Le "rôle le plus difficile de sa vie", a-t-elle dit - et on peut la croire sur ce point. En affirmant avoir été en connexion avec la défunte lors du tournage, avoir ressenti sa présence et été obsédée par son existence, et avoir obtenu d'elle sa permission de l'incarner, elle n'a pas vraiment aidé à dédramatiser le débat... Et, après avoir exprimé sa hantise de heurter la sensibilité des princes William et Harry, sa louable appréhension concernant l'accueil fait par la famille royale apparaît malheureusement plus que fondée. Entre Dame Helen Mirren campant la reine Elizabeth II (dans le film The Queen et la pièce The Audience), et Naomi Watts se muant en Diana pour une relecture romancée du dernier chapitre de sa vie (son divorce avec le prince Charles, ses idylles avec Hasnat Khan et Dodi Al-Fayed avant l'accident tragique qui lui coûta la vie et se trouve au coeur de nouveaux soupçons de conspiration), il a tout un monde...
"Ils ont tout faux"
Sur le papier, l'impossible love story de Lady Di et de Hasnat Khan a tout pour fasciner. Relatée dès 2001 par l'auteure Kate Snell dans l'ouvrage Diana: Her Last Love, détaillée à nouveau par Vanity Fair US dans son édition de septembre 2013, cette aventure sentimentale qui commença en 1995 au Royal Brompton Hospital a tous les ingrédients pour captiver le public : le coup de foudre inattendu d'une "princesse du peuple" maheureuse en amour et d'un beau chirurgien au grand coeur, le début de leur relation transcendante à la fin de l'été 1995, les derniers soubresauts d'un mariage raté avec le prince de Galles (divorce entamé en décembre 1995, finalisé en août 1996), le désir de mariage et d'enfant de Lady Di avec celui qu'elle nomma "Mr. Wonderful", ses déplacements au Pakistan et ses rencontres avec la famille de son bien-aimé, les réticences de l'intéressé à vivre une vie exposée au feu des médias ("Je trouvais l'idée absurde... Je lui ai dit que la seule manière dont je nous voyais pouvoir mener une vie à peu près normale aurait été de s'installer au Pakistan, à l'abri de la presse"), le revirement brutal de l'amoureuse vexée, qui se jette dans les bras du fils du milliardaire Mohammed Al-Fayed...
Brièvement marié (un mariage arrangé) de 2006 à 2008, des années après cet épisode marquant de sa vie, à une jeune femme de bonne famille descendant de la famille royale afghane, Hadia Sher Ali, Hasnat Khan, aujourd'hui âgé de 54 ans, continue de chérir la mémoire de Diana. "Tout le monde me trahit, Hasnat est la seule personne qui ne me trahira jamais", savourait cette dernière, éperdument amoureuse, en 1997. Comme une promesse tacite, il n'a pas apporté sa collaboration au film d'Oliver Hirschbiegel. Et dément avec la dernière vigueur avoir donné son assentiment : "C'est un pur mensonge. Je n'ai jamais donné aucun accord", fait-il valoir dans une interview pour le dernier supplément dominical du Daily Mail, en réaction à des allégations d'une production qu'on peut imaginer aux abois. S'il reconnaît avoir été sollicité par les responsables du film et par l'auteur de l'ouvrage dont il s'inspire, Hasnat Khan, qui a respectueusement conservé la plus grande discrétion depuis le décès de Diana et ne s'est livré à ce sujet que dans le cadre d'une déposition motivée par la seconde enquête consacrée à sa mort, affirme avoir décliné toute proposition de contribution.
"Je crois que ce film ne sera pas bon du tout", assène Hasnat Khan à Simon Parry, responsable show-business du Daily Mail, quotidien auquel il avait accordé sa toute première interview, en 2008. Il se base sur des ragots et sur les récits d'amis de Diana au sujet d'une relation dont ils ne savent quasiment rien, ainsi que sur ceux de certains membres de ma famille [on imagine qu'il désigne ici sa cousine Jemima Khan, qui s'est exprimée, NDLR] qui n'en savaient guère plus. Des spéculations et des ragots, tout est fondé là-dessus."
"Au premier coup d'oeil, je peux dire que c'est mauvais"
Rien qu'à partir d'une image extraite du film, Hasnat Khan torpille sa manière de restituer les faits. Face à la photo promotionnelle de la séquence narrant leur rencontre, survenue au Royal Brompton Hospital où le chirurgien officiait en 1995 et où Diana venait visiter une de ses connaissances qui venait de subir une opération du coeur, ses commentaires sont sans merci : "J'ai pu constater au premier coup d'oeil que notre manière d'être n'avait rien à voir avec ça, avec mes mains dans le dos, et tout ça. Rien qu'avec cette image, on pouvait affirmer qu'il ne s'agit de suppositions sur la manière dont on se comportait l'un avec l'autre, et ils ont tout faux. Il n'y avait aucune hiérarchie dans notre relation. Elle n'était pas une princesse et je n'étais pas un docteur. Nous étions des amis, et les gens normaux, dans ce cas-là, se comportent comme des amis. Cette seule image fixe m'en a appris beaucoup sur la façon dont ils vont représenter les choses dans le film, et je peux voir que c'est mauvais."
De manière inédite, Hasnat Khan se trouve alors bien obligé d'évoquer assez clairement l'état de leur relation au moment où, à l'été 1997, Diana décide d'y mettre fin et se tourne vers Dodi Al-Fayed - dans le but de rendre Hasnat jaloux, croit savoir l'amie intime de Diana Rosa Monckton, laquelle s'est également confiée au sujet de la naissance du prince George. Pour lui, et comme on a pu le comprendre d'après le désir de mariage de la princesse du peuple contrarié par ses réticences à lui, c'est l'impasse dans laquelle leur histoire se trouvait qui a rendu cette fin abrupte inéluctable : "Même au bout de deux ans, cette relation ne prenait pas la voie d'une progression significative ou d'une résolution, et c'était un sujet de tension pour chacun de nous."
Une "reconnaissance tacite" ? "Pur mensonge" !
Peu après leur rupture, Kate Snell débarquait, à la fin des années 1990, et venait trouver Hasnat Khan alors qu'elle enquêtait pour son livre consacré à leur love story. Leur seule rencontre, selon Khan, alors que la production du film Diana a déclaré qu'ils s'étaient vus deux ou trois fois et qu'ils s'étaient bien entendus. "Je n'ai rencontré Kate Snell qu'une seule fois, c'est tout, assure le cardiologue. Ce devait être vers la fin des années 1990. Cette dame que je ne connaissais pas est venue au Brompton Hospital et nous avons pris un café ensemble à la caféteria. Elle m'a dit qu'elle avait l'intention d'écrire un livre, je lui ai répondu que je n'avais rien à lui dire. Elle m'a demandé : "Puis-je parler avec vos proches et vos amis ?" Et moi de répliquer : "Si vous voulez mon autorisation, je ne vais pas vous dire "ok, allez-y, allez leur parler"." Mais je me souviens très distinctement lui avoir dit : "Si vous le voulez et qu'ils acceptent, alors je ne peux rien y faire. Je ne vous donnerai ni leur adresse, ni leur numéro de téléphone, mais si vous les contactez, je ne pourrai pas vous empêcher de les voir. Ça dépend d'eux." Et je l'ai laissée là-dessus. Je n'ai, à ce jour, jamais lu le livre en question. Je ne sais absolument pas comment elle a obtenu ses informations, parce que même mes plus proches amis ignoraient ce qui se passait entre la princesse et moi." Plus tard, Hasnat Khan apprendra qu'un de ses oncles a fourni à Kate Snell une vidéo de sa grand-mère prenant le thé avec Diana à Kensington Palace, vidéo dont des images ont été utilisées pour le livre. "Mon oncle ne m'a pas demandé en amont, mais il était très contrarié après coup. Il m'a appelé pour me dire : "On lui a donné la vidéo et elle a utilisé les images sans notre accord"."
C'est en septembre 2011 que Kate Snell resurgit dans la vie du docteur. Elle lui adresse la première d'une série de lettres pour solliciter sa collaboration : "Elle m'a écrit assez récemment pour me parler du film et me dire qu'elle voulait faire les choses proprement. La société de production m'a écrit également. Je n'ai répondu à aucune de ces lettres, ni parlé à qui que ce soit travaillant sur le film", déclare fermement Hasnat Khan. Dans sa première missive, Kate Snell explique qu'elle a été embauchée comme consultante par la société Ecosse Films et assure que le réalisateur et elle s'attachent à dépeindre sa relation avec Diana de la manière la plus fidèle possible, et avec pudeur. Dans une seconde lettre, en janvier 2012, elle précise que Diana ne souffrira pas d'un portrait négatif, contrairement à ce que certains médias avançaient alors, mais que le long métrage se concentrera sur "le bon travail qu'elle a accompli entre 1995 et 1997, sur le bonheur personnel qu'elle a vécu durant cette période, et sur le rôle important que le docteur Hasnat Khan a joué dans sa vie". Il semblerait ce dernier point soit en réalité l'objet principal du film.
Le producteur Robert Bernstein a récemment affirmé, dans une interview publiée par le supplément événementiel du Daily Mail : "Kate Snell a rencontré Hasnat Khan deux ou trois fois, ils se sont très bien entendus. Il lui a fait confiance au point de lui permettre de rencontrer sa famille et ses proches, et c'est grâce à cette relation de confiance que nous avons pu progresser. Nous avons confiance dans le fait qu'il existe une forme de reconnaissance tacite de la part de sa famille et de Hasnat que ce que nous faisons est bien." "Pur mensonge, peste Khan. Je n'ai parlé à aucune personne impliquée dans le film. Je n'ai jamais donné le moindre accord. Je n'ai jamais rencontré ni parlé ni écrit à Bernstein, jamais donné d'autorisation, que ce soit de manière directe ou indirecte."Entre sa petite guerre médiatique avec la production du film, et son voeu de silence concernant sa love story avec Lady Di, ne comptez pas sur Hasnat Khan pour aller voir le biopic Diana : "Un ami m'a demandé, l'autre jour, si je me glisserais discrètement dans un cinéma pour voir le film. Pas moyen que je le regarde. Hors de question que j'aille au moindre endroit proche de ce film, ni aujourd'hui, ni jamais. En grande partie, il se fondera sur des ragots, et si j'allais le voir, je passerais mon temps, assis, à dire "c'est faux, c'est faux, ce n'est pas vrai", à chaque seconde. Je ne peux pas m'infliger cela. Ce serait absolument atroce."
"Si Diana était encore en vie..."
A l'inverse de la frénésie Diana de cette année 2013, et de la manie contemporaine des grands déballages, Hasnat Khan préserve son jardin secret et a même développé quelque chose d'un ermite après la disparition tragique de son ancien amour. Un événement choquant à la suite duquel celui qui officie actuellement comme consultant cardiothoracique au CHU de Basildon, dans l'Essex, a cessé d'acheter la presse, excédé et écoeuré par les spéculations et rumeurs incessantes autour de sa vie et de sa mort. En 2012, il a appris grâce aux investigations du scandale des écoutes téléphoniques de News of the World qu'il en avait été l'une des victimes, ce qui l'a choqué et n'a fait que renforcer son protectionnisme. D'ailleurs, alors que des bouquets de fleurs, photos et messages ont déjà commencé à affluer au pont de l'Alma, lieu de l'accident fatal, pour le 16e anniversaire de la mort de Diana le 31 août 1997, Hasnat Khan prévoit, comme chaque année à cette période, de faire retraite au Pakistan pour échapper au retour de ces mauvais souvenirs. Un séjour au pays qu'il devrait même prolonger afin d'ignorer la première londonienne du biopic Diana. Pendant ce temps-là, lui s'occupera d'honorer à sa manière la mémoire de la défunte en rassemblant des fonds pour ouvrir l'an prochain un service de cardiologie caritatif au Abdul Razzaq Welfare Trust Hospital proche de Jelhum, où des enfants défavorisés et des patients dans l'incapacité de se payer une opération seront pris en charge. C'était l'un des rêves qu'il partageait avec Diana, laquelle avait déjà prévu, se projetant vers le mariage et une installation au Pakistan, de s'investir dans des associations locales. "Je pense que cet hôpital aurait déjà dix ans si elle était encore là. Mais il n'est jamais trop tard", songe-t-il, alors qu'il s'apprête à prendre un congé sabbatique pour s'investir dans le projet. "Des si, il y en a des centaines. Diana pourrait être en vie, heureuse, mariée, avec d'autres enfants, avec moi comme avec quelqu'un d'autre. J'essaye de ne pas penser à ça. Je ne peux rien y changer maintenant."