Dans la nuit du 18 au 19 août 2024, le "Bayesian", un yacht de 56 mètres de long battant pavillon britannique, a fait naufrage au large de Porticello, une ville côtière près de Palerme en Sicile. Quelques heures avant le drame, le voilier de luxe était illuminé de tous ses feux et la fête battait son plein. Depuis le bord de mer, on entendait même la musique qui en provenait. Mike Lynch, un richissime homme d'affaires surnommé le "Bill Gates britannique", cofondateur de l'éditeur de logiciels Autonomy, capables d'extraire des informations à partir d'appels, d'email et de vidéos, y fêtait avec ses amis, ses collaborateurs et ses avocats sa relaxe en juin dernier dans un procès pour fraude aux Etats-Unis lié à la vente des logiciels Autonomy au groupe américain HP pour 11 milliards de dollars en 2011 et qui aurait pu lui coûter plusieurs années derrière les barreaux. Le magnat britannique Mike Lynch est porté disparu avec sa fille Hannah et 4 autres personnes, sur les 22 présentes sur le bateau, depuis le naufrage, dont une a été retrouvée morte.
Il s'agissait du cuisinier de bord, né au Canada mais citoyen d'Antigua. Les plongeurs continuent de s'activer afin d'inspecter l'épave pour voir si d'autres passagers ne sont pas encore bloqués à l'intérieur. Le navire a été balayé sans que personne ne s'y prépare. La zone où il se situait a été traversée par une trombe marine, une colonne d'air et d'eau en rotation. "L'enfer s'est déchaîné, on ne comprenait rien, le vent est arrivé, puis l'eau, c'était certainement une tornade", a raconté à l'AFPTV Giovanni Lococco, un pêcheur local. Des caméras de sécurité d'un établissement balnéaire ont d'ailleurs montré la violence de la tornade avec des tables, des chaises et même un conteneur qui ont été vus volant dans les airs. "On ne l'a pas vu venir", a également témoigné le capitaine rescapé du bateau, James Catfield. Matthew Schanck, patron de Maritime Search and Rescue Council, une entreprise spécialisée dans les secours maritimes a expliqué à l'AFP : "C'est plutôt sans précédent. C'est un événement extraordinaire (...) qui a un impact très fort mais une faible probabilité de se produire".
Jean-Marie Dumon, ancien officier de la marine a précisé à nos confrères de l'AFP : "Ce sont des phénomènes qui peuvent aussi être accentués quand ils se déclenchent par une différence de températures entre une couverture nuageuse finalement assez fraîche et une surface de l'eau très au-delà de la température habituelle." "C'était pas une tempête normale. Qu'est-ce qu'il a dit le commandant, qu'il n'a pas vu venir l'ouragan? C'est comme ça, personne ne l'a vu venir", a déclaré Salvatore Izzillo, un pêcheur de Porticello, cité par La Stampa. Et Jean-Marie Dumon de reprendre : "C'est un voilier de grande qualité qui a dû sortir d'un cabinet d'architecture navale, qui a été modélisé par rapport à des situations extrêmes et classiques avec des vents établis, des fortes mers. Là, on a un cisaillement de vents qui peut provoquer finalement l'instabilité."
Pour cet expert, la mâture assez importante du voilier aurait eu un "effet amplificateur", "du fait de cette mâture rapportée à la longueur du voilier qui a créé une condition finalement à un moment de basculement, et le navire s'est couché sur le côté". "A partir du moment où il se couche sur le flanc, l'eau peut commencer à remplir le voilier", a-t-il poursuivi. Mais alors comment expliquer que les autres bateaux aux alentours n'aient pas fait, eux aussi, naufrage ? "Les autres bateaux avaient peut-être un rapport de stabilité par rapport au mât qui était différent, c'est une hypothèse", a conclu l'ancien officier de la marine. L'enquête ne fait donc que commencer, et les plongeurs n'ont toujours pas retrouvé tous les disparus... Affaire à suivre.