"Domenech devrait avoir honte." Sur ce point, franchement consensuel, Nicolas Anelka a raison. Pour le reste, le banni des Bleus, avec un timing imparable, honore la réputation sulfureuse qu'il traîne depuis toujours.
Au moment précis où Laurent Blanc annonce sa première sélection inédite (15 internationaux non mondialistes et 7 novices), dont les 23 Bleus de la Coupe du monde sont exclus, l'attaquant de Chelsea a décidé de vider son sac. Attention, ne restez pas sous l'avalanche : chute d'accusations contondantes dans France-Soir...
Le footballeur à la langue bien pendue, qui s'était plaint d'avoir été empêché de s'exprimer après le scandale provoqué par ses insultes présumées à l'encontre de Raymond Domenech, se voit offrir par France-Soir une improbable tribune de... quatre pages ! Plus qu'il n'en fallait pour qu'il déverse son ressentiment.
En une, les choses s'annonçaient délétères : Anelka y apparaît en costume cravate, col... bleu, menton haut et pose digne d'accusé au tribunal qui se sait sûr de son fait, flanqué d'une titraille sans équivoque - Anelka déballe tout. Trois extraits de l'interview viennent flanquer ce portrait : "Domenech a réussi à me dégoûter du football alors que j'adore mon sport et mon métier", "C'était une vraie guerre, celle des joueurs contre la Fédération et le coach", et - notre préférée -, "Quand ça se passe mal, on redevient des immigrés noirs" - splendide exemple, en réponse aux insultes racistes nées au lendemain du fiasco, d'auto-amalgame, de martyrisation facile et de provocation gratuite, stupide et dangereuse, propice à entretenir des non-débats atterrants. Mauvaise pioche de France-Soir en exergue.
En entame de déballage, Nicolas Anelka, qui a assigné en justice L'Equipe pour diffamation, affirmant que les propos reproduits par le quotidien sportif ne sont pas ceux qu'il a prononcés, se refuse à dresser un bilan de la Coupe du monde : "Celui qui était sur le terrain avait mon nom sur son maillot mais ce n'était pas moi (...) Pour ma seule et unique Coupe du monde, j'espérais autre chose. Mais ce n'était pas moi..."
Une aliénation ? Apparemment, l'intéressé était déjà au courant avant le Mondial, au cours des matches de préparation. En témoigne son auto-critique : "Quand on me demande de jouer comme ça, une certitude : on verra tout, sauf mes qualités. Rester dans la surface à attendre les ballons, c'est tout sauf mon jeu" (...) [Mes prestations en matches de préparations, je les juge] médiocres, pour ne pas dire catastrophiques. Comme durant le Mondial, ce n'était pas moi (...) Si le coach voulait prendre un joueur de surface, ce n'est pas moi qu'il fallait choisir."
Sur le clash survenu à la mi-temps de France-Mexique, Anelka referme la porte du vestiaire au nez du public, qui "se fait des fictions à la Hitchcock". Il décrit un échange tendu avec Domenech, puis : "A ce moment-là, ma tête est partie. Je n'écoute même plus ce qu'il me dit. Il a réussi à me faire sortir l'esprit du match. Et c'est à cet instant qu'il me lâche : "Allez, c'est bon, tu sors." (...) "Pas de problème, fais ton équipe", dis-je. Et je marmonne dans mon coin des choses qui resteront dans le secret du vestiaire. Et qui auraient dû y rester. Mais en aucun cas ce ne sont les mots que j'ai pu lire dans L'Equipe. C'est une évidence. Et il y a quinze témoins [face à la plainte de Nicolas Anelka pour diffamation, L'Equipe a également fait valoir que des témoins seraient cités à comparaître, confirmant les informations publiées, NDLR]."
Et d'accuser les médias, tirant à boulets rouges : "En faisant ça, le journal a détruit les chances de la France, et, plus accessoirement, a cherché à me nuire. Ce titre a détruit l'équipe de l'intérieur. Il a créé une guerre entre le coach et les joueurs, puis entre les joueurs et la Fédération (...) Ils sont les premiers et principaux responsables de ce qu'il s'est passé. Parce que tout est arrivé après ce titre (...) Pour quelques exemplaires de plus à vendre, ils sont prêts à détruire, à diviser et à déchirer toute une nation. Si les joueurs sont à punir, la plus grosse sanction devrait être infligée à ce journal car ceux-ci n'auraient jamais réagi de cette façon sans cette parution. Je souhaite que la justice aille jusqu'au bout dans ce dossier."
"Incompétence", "complot", ou volonté (prémonitoire, alors) d'en faire un "bouc émissaire" : persuadé d'être au coeur d'une machination, Nicolas Anelka a hâte que L'Equipe fasse appeler à la barre ses témoins, pour connaître l'identité de la "taupe"... Plus loin : "Au fond, ce n'est pas si surprenant quand on connaît mon parcours e ma vie, et l'image qu'on veut donner de moi. Cela fait quatorze ans que je suis professionnel et autant d'années que je ne parle pas à ce journal (L'Equipe), sauf en de rares exceptions. Ce même quotidien qui fait peur à tout le monde, qui fait croire que si on ne lui parle pas, on ne peut pas réussir. Je suis l'exemple que c'est possible. Voilà pourquoi ils m'ont fait cette réputation d'arrogance !"
Honteux ? "Honte d'avoir voulu contourner le mur dans lequel on fonçait ? C'est plutôt le coach qui devrait avoir honte, après son refus devant le monde entier de serrer la main du sélectionneur sud-africain. Et on dit de moi que je n'ai pas de respect ? S'il avait envie de se tuer, il fallait qu'il le fasse tout seul, mais pas avec nous."
Entretien fleuve à lire dans France-Soir, édition du 5 août 2010.