Une masse compacte, noire et solidaire, une sombre nuée de chagrin, illuminée par cinq petits anges blancs annonciateurs de jours meilleurs : de l'extérieur, à distance respectable, voilà ce que le public a pu voir vendredi 16 août 2013 des funérailles, organisées dans la plus stricte intimité, du prince Friso d'Orange-Nassau, écuyer d'Amsberg, mort au matin lundi 12 août 2013 à 44 ans après avoir passé près d'un an et demi dans le coma suite à un accident de ski.
Comme si tout le monde avait voulu vraiment respecter le deuil terrible qui frappe la princesse Beatrix, une mère qui n'aurait pas dû voir un de ses fils s'éteindre avant elle, la princesse Mabel, une épouse qui a espéré pendant près de 18 mois un réveil qui ne s'est pas produit, et l'ensemble de la famille royale, peu nombreux étaient les curieux à s'être déplacés aux abords de l'église Stulp de Lage Vuursche, où le service de sécurité avait de toute manière pris des mesures drastiques pour assurer la tranquillité des lieux tandis que le révérend C.A. ter Linden dirigeait le service funéraire, lui qui avait marié en 2004 Friso et Mabel. Et même certains photographes de presse, en signe de compassion, se sont refusés à s'immiscer dans ce moment de grande détresse, restant respectueusement aux grilles du domaine, dans la zone prévue par les forces de l'ordre, ou faisant carrément l'impasse. C'est là, au sein du tout petit, paisible et verdoyant village de la municipalité de Baarn où les trois fils de Beatrix des Pays-Bas et de feu son époux le prince Claus ont passé leur enfance, au château Drakensteyn dont le domaine jouxte le cimetière, résidence que l'ancienne reine avait acquise en 1959, quitté avec sa famille en 1981 au moment de son intronisation et qu'elle doit regagner cette année pour sa retraite, que le bien-aimé Friso a reçu vendredi le dernier hommage des siens et a été enterré dans le cimetière attenant. Des panneaux y avaient été installés par souci d'intimité. Messages de condoléances et gerbes de fleurs avaient néanmoins été déposés en grand nombre par les sujets de Sa Majesté.
Au milieu des lilas, des fillettes disent adieu à leur papa, anges blancs face à la mort...
Dans la petite église de campagne protestante aux murs clairs, dans une lumière sereine accrue par des fleurs blanches (du lilas notamment) de partout, le "petit comité" voulu par la famille royale s'est recueilli avec une immense émotion, à 15 heures, autour du cercueil et de l'oraison du révérend. Le prince Friso était absent des rassemblements familiaux depuis un moment, mais cette fois, l'absence se conjugue à l'éternité. Au premier rang face au cercueil, qui avait quitté le palais Huis ten Bosch à La Haye à 9 heures la matin, sur la gauche, le roi Willem-Alexander et la reine Maxima des Pays-Bas, avec leurs trois filles la princesse héritière Catharina-Amalia, 9 ans, la princesse Alexia, 8 ans, et la princesse Ariane, 7 ans. A droite, la princesse Beatrix et la princesse Mabel, éplorées mais dignes, avec les comtesses Luana et Zaria, 8 ans et 7 ans, en robe blanche tout comme leurs petites cousines. Des petites colombes lumineuses qui ont dû être atrocement choquées par la disparition de leur papa et tonton, et ébranlées par la cérémonie d'adieu... Les images de leur départ de l'église après le service, réconfortées les unes - Luana et Zaria - par Beatrix et Mabel, les autres - Catharina-Amalia, Alexia et Ariane - par leurs parents Willem-Alexander et Maxima, sont déchirantes...
Au sein du cortège funèbre, qui comptait au maximum une centaine de personnes, la famille royale était au complet : le prince Constantijn, l'autre frère aîné de Friso, chargé avec Willem-Alexander et quatre autres personnes de porter le cercueil, était accompagné de son épouse la princesse Laurentien et les deux aînés de leurs trois enfants, de même que les princesses Margriet et Irene, soeurs de Beatrix et tantes du défunt, venues avec leur descendance (le prince Maurits et la princesse Marilene, le prince Bernhard et la princesse Annette, le prince Pieter-Christiaan et la princesse Anita, le prince Floris et la princesse Aimée, enceinte). Parmi les officiels, on pouvait notamment apercevoir le Premier ministre Mark Rutte et quelques membres du gouvernement, mais aussi le roi Harald V de Norvège, seul représentant d'une autre famille royale, qui a fait le déplacement avec son épouse la reine Sonja en sa qualité de parrain du prince Friso d'Orange-Nassau. Le cortège, mené par la reine Beatrix, pâle derrière ses lunettes teintées violettes, Mabel, le visage plus abattu que jamais, et Willem-Alexander, terriblement marqué, s'est ensuite rendu à pied au château Drakensteyn.
Epilogue bouleversant d'un terrible épisode...
Dès lundi, le roi Willem-Alexander et la reine Maxima des Pays-Bas, nouvellement intronisés et déjà frappés par une pénible épreuve, avaient annulé leurs vacances en Grèce dans leur nouvelle villégiature rêvée du Péloponnèse, pour rejoindre la princesse Mabel et la princesse Beatrix dans le chagrin, se soutenir mutuellement et veiller la dépouille du défunt au palais Huis ten Bosch. Et annoncer, aussi, ses funérailles "en petit comité", à huis clos, à Lage Vuursche plutôt qu'à la crypte royale de Delft - une décision logique, attendu que Friso avait été exclu de la Maison royale et de l'ordre de succession au trône du fait de son mariage avec la princesse Mabel : en accord avec la volonté du couple, le gouvernement n'avait pas sollicité l'approbation du Parlement pour cette union, élément constitutionnel indispensable au maintien des membres de la famille royale dans le système monarchique. La pierre d'achoppement concernait des déclarations de la bien-aimée de Friso, Mabel (née Wisse Smit), sur des contacts (platoniques) qu'elle aurait eus auparavant avec un baron de la drogue néerlandais, Klaas Bruinsma. Friso et Mabel avaient été mariés le 24 avril 2004 en l'église de Delft, et Mabel avait intégré la famille royale, à défaut de la Maison royale ; le marié avait perdu son titre de prince des Pays-Bas, mais conservé celui, héréditaire, de prince d'Orange-Nassau, écuyer d'Amsberg, ainsi que - par décret - son appellation d'altesse royale.
Piégé dans une avalanche alors qu'il skiait hors piste avec un ami (qui en a réchappé et était présent aux obsèques) le 17 février 2012 à Lech am Arlberg, dans le Tyrol autrichien, où les royaux néerlandais ont leurs habitudes (ils les ont même conservées cette année...) et où il était en vacances avec son épouse et leurs deux filles, le prince Friso d'Orange-Nassau avait été déclaré dans le coma quelques jours plus tard, au terme d'une inquiétante attente. Le 1er mars, il était transféré de l'unité de soins intensifs du CHU d'Innsbruck à l'hôpital Wellington de Londres, ville où il résidait avec sa famille et où il travaillait pour le groupe Urenco, spécialisé dans le nucléaire, avec beaucoup de considération. Là, malgré la lueur d'espoir d'un bref réveil à l'automne 2012, et des "signes de conscience minimale", 16 mois s'écoulèrent, sans réelle évolution, la princesse Mabel sacrifiant une partie de ses activités pour affronter la situation. Le 9 juillet 2013, Friso était transféré au palais Huis ten Bosch, résidence du souverain à La Haye, pour l'été. La famille royale et l'équipe médicale avaient prévu de décider des suites du traitement du prince...
Après de longs mois de tourmente, une paix absolue, maigre consolation, a accompagné le départ du prince Friso d'Orange-Nassau. Un hommage public devrait prochainement lui être rendu.
G.J.