L'été, qui l'avait vu rapatrié aux Pays-Bas, ne devait être qu'une transition, il aura été meurtrier : dans le coma depuis le mois de février 2012 et un accident de ski survenu dans les Alpes autrichiennes, le prince Friso d'Orange-Nassau, deuxième des trois fils de la princesse Beatrix et frère du roi Willem-Alexander des Pays-Bas, est mort lundi matin, 12 août 2013, selon un communiqué de la cour royale au nom du souverain. Mari et père, esprit brillant et caractère loué par ceux qui l'ont connu, il s'est éteint à l'âge précoce de 44 ans au palais Huis ten Bosch, résidence du monarque batave à La Haye, où il avait été transféré le 9 juillet dernier.
Le faire-part de décès officiel émis par les services du palais précise que le prince Johan Friso Bernhard Christiaan David, prince d'Oranje-Nassau, écuyer d'Amsberg, a succombé à des "complications survenues à la suite de lésions cérébrales causées par un manque d'oxygène lors de son accident de ski le 17 février 2012 à Lech, en Autriche", et formule ses remerciements à tout le personnel médical qui s'est occupé de lui depuis.
La nouvelle est d'autant plus cruelle pour son entourage, en premier lieu son épouse depuis 2004 la princesse Mabel, leurs fillettes les comtesses Luana, 8 ans, et Zaria, 7 ans, et sa mère la princesse Beatrix, que le prince Friso avait montré en fin d'année 2012 des "signes de conscience minimale" qui laissaient entr'apercevoir l'éventualité d'une issue plus heureuse. Par ailleurs, il avait été transféré de l'hôpital Wellington de Londres, ville où il avait établi depuis des années sa vie avec sa famille, au palais royal à La Haye début juillet en vue d'y passer l'été sous la surveillance d'une équipe médicale dirigée par le professeur Jan van Gijn et du docteur Michael Kuiper, et de déterminer les futures conditions de son traitement : "Si son état de santé continue d'être préoccupant, le prince ne nécessite plus de soins hospitaliers. Au cours des prochains mois, toutes les options envisageables pour lui procurer le traitement et les soins à long terme requis - aux Pays-Bas et au Royaume-Uni - seront étudiées en concertation avec des experts", expliquait le communiqué alors diffusé par la cour néerlandaise.
Tragique, la mort du prince Friso, dans la fleur de l'âge et de ses possibilités personnelles comme professionnelles, met fin à un sinistre suspense. Pris dans une avalanche le 17 février 2012 alors qu'il skiait hors piste à Lech am Arlberg, station du Tyrol autrichien où la famille royale néerlandaise a ses habitudes hivernales, le fils de Beatrix, alors encore reine des Pays-Bas, était resté enseveli sous la neige durant vingt-cinq minutes et avait été transféré, après cinquante minutes de tentatives de réanimation cardio-pulmonaire sur place, aux soins intensifs spécialisés du CHU d'Innsbruck. Il avait alors fallu plusieurs jours à l'équipe médicale du Dr. Wolfgang Köller pour dégager le 24 un diagnostic, dur à encaisser : Friso était dans le coma.
Le 1er mars 2012, il était transféré à l'hôpital Wellington de Londres, ville d'où il opérait en dernièrement tant que directeur et directeur financier d'Urenco, un grand groupe du secteur de l'énergie nucléaire spécialisé dans l'enrichissement d'uranium basé dans le Buckinghamshire, qu'il avait rejoint en 2011 et pour lequel il supervisait l'activité de quatre centrales, situées aux Pays-Bas, en Allemagne, en Grande-Bretagne, et au Nouveau-Mexique.
En septembre, un bref réveil - juste le temps de sourire à son épouse - avait suscité un regain d'espoir, alimenté aussi par les confidences de Desmond Tutu, ami personnel de la princesse Mabel (démissionnaire après le drame de son poste de P.-D.G. de l'ONG The Elders, créée par Nelson Mandela et présidée par Desmond Tutu. Le pronostic n'en était pas moins resté réservé, ses chances de recouvrer ses capacités en même temps que la conscience étant nulles compte tenu du laps de temps pendant lequel son cerveau avait été privé d'oxygène. "Depuis peu, le prince Friso montre de très faibles signes de conscience ; cet état est connu sous le nom de "conscience minimale. Le pronostic demeure très incertain, et l'équipe médicale est encore très préoccupée. Il faudra attendre plusieurs mois avant d'y voir plus clair", signalait alors la famille royale, qui a fait preuve d'un remarquable courage et d'une louable transparence dans toutes ses communications sur l'état de santé du prince Friso.
Un an et demi après les images terribles de la princesse Mabel et de sa belle-mère Beatrix anéanties par l'accident, dans le froid des Alpes autrichiennes, et au bout d'un an et demi de calvaire, le deuil pénètre dans la famille royale comme un méchant blizzard, alors même que les sourires étaient revenus sur les visages des deux femmes cette année, à l'occasion notamment de l'intronisation du roi Willem-Alexander et de la reine Maxima des Pays-Bas. Il y a quelques mois, la princesse Mabel, pour l'amour de qui le prince Friso avait été exclu de la Maison royale et de l'ordre de succession, l'épousant sans l'approbation du Parlement, se confiait sur son drame familial : "C'est la pire période de ma vie. Mon amour pour Friso, le soutien de notre famille et nos amis, et tous les messages de sympathie m'aident à trouver la force d'affronter ces moments difficiles", écrivait-elle alors. Le pire, en fait, se révèle seulement maintenant que l'espoir n'existe plus...
G.J.