Les nominations aux Oscars ont enchanté les équipes du film La Favorite (10 citations) ou encore celles de A Star is Born, Roma et Vice (8 pour chaque film). Mais la pluie de prix ne fait pas l'unanimité. Il n'est pas seulement question des artistes et oeuvres snobées par la prestigieuse académie : les projecteurs braqués sur un court métrage en lice intitulé Detainment qui provoque la colère d'une femme, Denise Fergus : la mère de l'enfant tué qui est au coeur de ce film. Une pétition a été lancée pour que l'académie le retire de la compétition.
Detainment revient sur l'enlèvement et le meurtre en 1993 en Grande-Bretagne d'un petit garçon de 2 ans, James Bulger. Deux enfants de 10 ans l'avaient entraîné hors d'un centre commercial à Liverpool et l'avaient torturé puis tué. Le court métrage se base sur les transcriptions des entretiens des tueurs avec les autorités. La mère de la victime, Denise Fergus, s'indigne contre ce qu'elle considère comme une représentation gratuite de faits horribles qui dresse également un portrait trop sympathique des tueurs. Elle souligne aussi que le réalisateur de Detainment, l'Irlandais Vincent Lambe, n'a pas cherché à leur parler, ni à elle ni au père du petit James, pour la conception de son film.
"Je ne peux pas exprimer à quel point je suis dégoûtée et ulcérée que ce soi-disant film ait été réalisé et qu'il soit maintenant compétition pour un Oscar", écrit sur Twitter Denise Fergus. La pétition sur Change.org pour stopper la diffusion du film et sa nomination aux Oscar a atteint ce 25 janvier plus de 150 000 signatures. Bien avant l'annonce des nominations, la mère de la victime avait réclamé l'interdiction du film : "Après tout ce que j'ai pu dire sur ce film et après avoir demandé qu'il soit retiré de la diffusion, il est maintenant nommé pour un Oscar. Bien que plus de 90 000 personnes ait signé une pétition... qui est complètement ignorée par l'académie. Comme tout ce que je ressens. Je suis tellement en colère aujourd'hui."
Le réalisateur Vincent Lambe a accordé une longue interview au London Evening Standard qu'il a relayée sur son compte Twitter. Il a déclaré avoir voulu montrer que, dans ce fait divers qui a traumatisé l'Angleterre, tout n'était pas noir ou blanc. Il réfute les accusations selon lesquelles son travail rend un tant soit peu les meurtriers sympathiques et estime qu'il s'agit d'une incompréhension. "Humaniser les tueurs n'est pas les rendre sympathiques", explique-t-il au quotidien. Ces derniers sont restés en détention jusqu'à l'âge de 18 ans et ont été remis en liberté avec de nouvelles identités. Dans son entretien, il revient sur la genèse de son travail et les choix qui l'ont motivé. Il regrette toutefois ne pas avoir essayer de discuter avec les parents de la victime : "Je suis profondément désolé. (...) Je ne voulais pas être irrespectueux en ne les ayant pas contactés." C'est d'ailleurs le fait qu'il n'ait pas demandé la permission aux parents de James Bulger qui revient régulièrement dans les attaques contre cette oeuvre.